Tuesday, March 24, 2020

Fragment de jours - 13

Presque rien n’a changé depuis ce début de journée. Je suis à la même place, écoutant les bruits de la ville. Du temps a passé. Je suis le même. Et je ne veux pas oublier cela. La raison pour laquelle je m’attable, quelle que soit l’heure. La sensation est si difficile à décrire que je suis prêt à y mettre plusieurs années. Elle ne se retrouvera qu’avec cette méthode. Un lieu de vie dont il aurait été possible de raconter le simple déroulement, mais les zones que cela touche ne sont pas identifiables par un simple récit des faits, qui aurait commencé, un geste, ou comme un geste, ou comme la production d’un geste utopique conduisant à la volupté. L’urbanité était en jeu. Du moins, l’espace public. Cela n’aurait pas pu arriver là, mais cela a eu lieu. Puis la douceur. Puis le plaisir. Entre ces deux zones. On n’en peut plus de résister. Alors on cède. Je revois tout intégralement. L’image incrustée n’est pas altérée. Je me pose la question. Toujours la même. À laquelle la même affirmation répond. Oui, c’est possible. En plein désir. De tout réaliser. À quel point aurais-je besoin d’un détail pour raccrocher la mémoire à un fait réel. La tentation est forte. Je me connais. Il suffirait d’une parenthèse. Une date. Un prénom. Au temps de l’écriture, ces données sont très précises. Je ne veux pas les figer. Ce serait les neutraliser alors que je les pressens générant, ce qui manque peut-être, ou ce qui a manqué, de me conduire peu à peu, je ne peux rien à cela, il fallait un moteur, pour retrouver, recommencer, je n’ai pas honte de ces errements dès lors qu’ils ne s’attachent à rien de concret, que rien ne viendrait se poser sur le sol, pour cette spirale de l’amour, bien sûr, c’est l’amour, dans la ponctuation, révélé, rien ne pourra remplacer, et pourtant je m’acharne à ne faire que décrire, inutile de chercher à comprendre, ce n’est pas l’objectif, ce n’est pas plus complexe, j’accepte, qu’il faut d’abord écouter.

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