Sunday, October 28, 2018

Dionys Mascolo

Très approximativement, car la définition la moins défigurante de ce que l’on tente de décrire comme « intellectuel » ne cessera pas de faire problème, cela veut dire au moins que, continuant d’écrire, l’écrivain, par des moyens qui ne peuvent manquer d’être encore des moyens de l’art, et qu’il revient à la poétique de caractériser, cesserait dans ces moments de ne viser qu’une audience intemporelle, que le mot de « postérité » ne rend qu’imparfaitement, même dans ce qu’il y survit d’une transcendance. Cette absence de destinataire nommable fait courir à l’œuvre le risque de se résoudre en une oraison n’ayant finalement d’autre destinataire qu’elle-même. Quand même elle aurait la gravité de ce que Thérèse d’Avila nomme oraison mentale, je puis en effet toujours la soupçonner d’être avant toute autre chose, la prière que la prière adresse à la Prière d’être prière plus parfaite. Ce qui d’ailleurs n’exclut pas que, sous la forme d’œuvre qu’elle revêt, elle puisse aussi, à sa manière, très indirecte, prendre la destination d’autrui, comme il peut être attendu de toute bouteille à la mer.

Continuant donc d’écrire, cessant d’écrire ainsi, l’écrivain ferait acte d’intellectuel lorsqu’il cède à l’appétit de ne plus s’adresser indirectement à autrui, mais à l’autre, dans l’(impossible) intimité d’un présent partagé. Ce qui donne à cette parole sa présence tient moins à ce qu’elle dit qu’à la forme du temps dans laquelle elle est proférée, temps où le présent est en travail, comme en une sorte de présent progressif. Ce travail du présent qui la supporte, temps qui prend du temps, la rend aussi durable et, le temps qu’elle dure, tout éphémère qu’elle soit, modifiante.

La réalité de ce mouvement, qui peut déranger fort, ou qui n’a pas trouvé son concept, ne devrait cependant pas faire difficulté. Il s’impose au contraire à l’écrivain, à de certains moments, comme sa nécessité. Au vrai, il n’implique nulle rupture, nul éloignement de la source, nulle perte, abandon ou sacrifice. Ce serait là plutôt la manifestation, moins réservée, ou timide, ou avare, ou complaisante, ou marquée d’inavouable, de quant à soi, de secret publié comme secrètement voulu secret, d’incommunicabilité cependant communiquée comme faute originelle de la communication (mille autres traits pouvant encore servir à dessiner l’homme littéraire), de l’exercice de la pensée quand, son hérédité théologique dissoute, la hardiesse de ses exigences la porte à s’adresser à l’autre (peut-être sous la forme encore, mais non plus théologique, de la prière) en pariant sur le semblable en lui. Ce qui revient à jouer sur la continuité que le surrêve de « l’exercice intégral de la pensée » instaure entre les êtres, et qui conduit la disposition d’écrire dans le voisinage de celle, plus brûlante, « d’écrire à quelqu’un », autorisant à inscrire, par exemple, en marge de tout écrit, et sans trop regarder au vraisemblable, un vocatif comme « mon semblable, mon frère », d’ailleurs placé sous le signe de l’ennui partagé.

Friday, October 26, 2018

[NO WAY] - 16

Revenir à l’écriture pour calmer les terribles moments d’incertitude qui se manifestent sous tous les aspects du quotidien, dans la manière addictive de se laisser mener dans tous les pièges de la pensée, lorsqu’après s’être dit « c’est peut-être le dernier jour », voir défiler devant soi les innombrables promesses qui n’auront donné lieu qu’à quelques empathies espérées, alors que tout semblait clair depuis le début : il n’y aurait rien à tirer de ces éléments-là, puisque le format ne fera rien avancer d’autre que l’expression du trouble, comme il se présente, tel que les mots choisissent d’en faire la liste immonde, qui a été autant de fois dressée et jetée, de tous les amalgames chronologiques, revenant tant d’années plus tard, les souvenirs, intacts, la parole, inchangée, cette douceur à l’instant le plus sordide, là, oui, là, c’est arrivé dans un appartement où il n’y avait presque plus rien, meubles emportés, murs aux peintures écaillées, jaunies par les soirées enfumées, le carrelage gelé, l’enfant posé à même le sol mangeant avec ses doigts les restes d’un repas improvisé en jetant là une tranche de jambon, là quelques pâtes, il n’était pas lavé depuis plusieurs jours, il n’occupait ses journées qu’à les regarder traverser les pièces en se gueulant dessus, en frappant, au passage, « arrête de me regarder comme ça, abruti », et les larmes coulaient toutes seules, le cri s’expulsait sans contrôle, jusqu’à ce que le silence envahisse tout, jusqu’à croire tout le monde mort, tout le monde, définitivement parti.

Monday, October 22, 2018

[NO WAY] - 4

Je crois chaque fois que je vais oublier, qu’à aucun moment je ne sentirai plus cette permanente douleur qui fait que depuis tant d’années je ne fais plus qu’errer dans l’espace interdit de ma plus intime sensibilité, parce qu’il y a toujours un événement qui vient frapper le quotidien des coïncidences m’obligeant à ne plus rien faire d’autre que m’allonger et tenter de m’endormir en n’écoutant plus que la langueur de quelque phrase venant s’inscrire non dans la conscience mais dans la mémoire diffuse, n’ouvrant plus que des trappes d’inconstance au-dessus desquelles je me penche inquiet d’être chaque fois attiré par des issues si différentes que je réserve le choix à plus tard en feignant de n’avoir jamais rien remarqué d’envisageable.

Tuesday, October 16, 2018

[NO WAY] - 45

Le caractère addictif est présent dans le gène social. On veut le voir se reproduire, mais pas sur nous. Alors, on le laisse vivre à nos côtés, se déployer. On voit comment tout cela se dégrade. Le corps, d’abord. Puis la dépossession, de tout. Jusqu’à l’intime, volé, subtilisé.

Friday, October 12, 2018

[NO WAY] - 51

Cette drôle d’aventure, de ne pas réussir à mieux définir ce souvenir. Il sera donc construit, inventé. Une lourde impression, presque sordide, d’une voix plus profonde, impressionnante, venue surprendre l’inertie.

Monday, October 8, 2018

[NO WAY] - 24

Une intense joie. La puissance d’un retour à la normale. D’avoir imposé la réalité. Le fait. Voir s’ouvrir les dimensions possibles, en lecture permanente. Des multiples supports. Quand la tension du texte s’étudie. À partir d’un modèle noble. Il n’y a rien d’autre à raconter.

Tuesday, October 2, 2018

[NO WAY] - 43

L’agressivité incontrôlable. Elle est là, bien réelle. Elle fixe un événement du passé, pour ressurgir, ou pire, simplement, pour surgir, car elle a finalement peu à faire de cette personne-là. Une cible. Qui pourrait changer, alors que l’agressivité est, elle, la même. Elle se nourrit d’images. La conscience s’en convainc. De plus en plus forte. Jusqu’à passer à l’acte. Maintenant. Dans les bras, tremblants. En pensées, obsessionnelles. À ne plus pouvoir se concentrer sur rien.

Friday, September 28, 2018

[NO WAY] - 57

Il faut le faire. L’examen de conscience. Ce qui se voit en premier : l’agressivité. Dans le bras. Puis l’obsession. S’entraîner à regarder impassible. Ecouter. Une réincarnation. Un affrontement. La joie, totalement disparue. Les tensions, fulgurantes. Des courbatures. Là où nous pensions que c’était fini. L’évidence d’une impasse. À ne plus vouloir regarder que l’écrivant. Où la condition institutionnelle gagnerait. Si difficile mesure. Une poésie faite corps. Le réel, accusant. Être, semble-t-il, épuisé. Nous, comme une communauté. Qui ne communique que par l’adhésion. Le format, détesté. Toujours à deux doigts de tout arrêter. Et pourtant. C’est bien l’après qui se trouve en question. Ce qui a été déposé n’est plus à étudier. Déjà trop de fois relu. Mémoire constante.

Monday, September 24, 2018

[NO WAY] - 31

L’exemple-même du personnage que nous aimerions capturé se présente. Il rentre chez lui, légèrement aviné. Il vient de passer un peu de temps à parler de son projet, qu’il ne sait pas formuler autrement que comme ça, et qui ne tient que par le possessif qu’il traîne depuis de nombreuses années. Il vient, justement, évoquer ce que nous étions en train de nous formuler, une nouvelle aventure dans laquelle il suffirait de rester chez soi pour se montrer au monde à travers les outils de la technologie. Tout cela est fort tentant, mais ne nous satisfait pas. D’abord, parce qu’il faudrait, tout à coup, qu’un grand nombre de personnes soient disponibles pour recevoir l’état d’un autre agissant. Ce serait, également, supposer qu’on aurait un quelconque intérêt à se retrouver dans une lecture imposée alors que, justement, nous travaillons sur l’aspect volontaire de l’activité. Oui, nous savons que cela prend plus de temps. Oui, nous savons que nous prenons le risque de rater des occasions de s’annoncer au public. Oui, mais nous préférons tout de même ce format-là. Le hasard d’une recherche, la qualité d’une rencontre. Si, à la base, il n’y a pas ce type d’énergie, il n’y aura aucune culture du long terme et nous continuerons inlassablement à nous battre contre des moulins. Il n’y a aucune commune mesure entre les moyens dont disposent la plupart des entreprises qui occupent le terrain que nous exploitons également et ceux avec lesquels nous tentons de faire œuvre. Ce qui nous passionne dans cet état de fait, c’est qu’une seule partie de la sphère médiatique suppose que ce qui ne leur vient pas sur un plateau n’existe pas réellement. Ça n’aurait ni consistance, ni envergure. L’autre partie, forcément dans l’ombre, produisant du moins lu, moins acheté, moins connu, n’a pas ce mépris de ne pas considérer l’existence d’autres modes d’expression conditionnant d’autres modes de diffusion. C’est pourtant là, aussi, sur cette face cachée, ou plutôt masquée, que pourrait se lire en direct le travail en cours de réalisation de l’humanité agissante. Bien sûr, nous ne le contestons pas. Il y a des affaires à suivre, des courses poursuites à entreprendre. Il suffit de longer les ministères pour s’en rendre compte. Une circulation contrôlée. Portail ouvert sur le pouvoir. Les grandes cours avec les berlines noires garées en épie. N’essayez même pas de frapper à la porte d’entrée pour saluer votre ministre parce que vous passiez dans sa rue, vous finirez jetés à la poubelle avec les clodos. Eux se disent que c’est là que tout se passe, et nous l’admettons, il s’y passe des intrigues importantes, mais ils ne considèrent pas que deux rues plus loin s’organise une autre société qui, elle aussi, sait maintenir son pouvoir. Cette société-là n’a que faire des titres et des uniformes. Elle n’est que circulation incontrôlée. S’y jouent tous les brouillons de la vie et s’y travaillent tout ce qui sera répété sous toutes les formes avant d’être présenté au public. C’est bien cela que nous ressentons, à la fatigue de nos mains, aux douleurs dans la poitrine d’avoir trop tiré sur la corde, aux machines à laver qui tournent jusqu’à minuit, aux vaisselles laissées en suspens, le labeur d’un travail qui tout entier se mêle sur une seule et même page où nous testons autant les ruptures que les liens, l’ampleur, l’efficacité, ne cherchant pas à nous adresser à des foules silencieuses mais à un réseau d’acteurs à qui l’on doit de partager la même vision d’un peuple échappant aux emprises qui subsistent. Le mépris n’arrêtera pas le mouvement. Nous tournerons la page et nous nous retrouverons.

Tuesday, September 18, 2018

[NO WAY] - 20

Je sens le corps céleste sur moi. Il me caresse. Mon corps se tend, puis tout se calme. C’est la même sensation qu’en forêt, que sur la plage, que dans un jardin, quand nu je me promène dans la nature.

Friday, September 14, 2018

[NO WAY] - 40

Tant qu’il n’y aurait personne pour intercepter ce processus-là, il continuerait à se laisser bercer par une mélodie propre, dont il avait entendu les premières notes, peut-être, en se voyant sillonner sur des routes sans mystère, approchant au plus près de ce qui serait devenu une pure inaction, car là aussi, un choix s’était formulé. Gérer, compter, ne rien prévoir au-delà d’une journée. Il ne faisait que colmater les erreurs que d’autres avaient laissées s’enraciner. À la fondation de tout ce que vous avez produit, leur disait-il, il a manqué une notion primordiale. Rien ne pourrait se faire, en soi, sans prendre en compte l’ensemble de données bien plus complexes que ce que vous avez envisagé. Tout d’abord, il est inutile de vouloir tout faire entrer dans des cases. L’humain n’y sera jamais bien. Il a besoin de circuler, de choisir, de faire comme bon lui semble, surtout s’il doit en payer une partie. Tout cela n’aura pas tant de conséquences sur tout ce qui agit en permanence. Nous laisserons. Nous avons appris cela. Nous n’y retournerons plus. C’est fini. La mémoire s’inscrit d’une autre manière et de l’avoir saisi nous rend confiants pour l’avenir, car demain, nous savons que cela se reproduira. Ce sera d’abord le calme, le lent éveil de l’esprit. Ce qui doit se faire se manifestera et nous tenterons de le réaliser, dans la mesure de nos moyens, soutenus par une pulsation accompagnant notre effort et signifiant seule qu’un mouvement créatif est en cours. Nous n’allons plus nous évertuer à forcer la porte de l’interlocuteur qui ne répond pas. Nous sommes suffisamment nombreux, désormais, pour bâtir notre idéologie, sans infidèles, sans inféodés, sans inférieurs. Les écrans que nous déployons nous conviennent. Nous sommes en direct avec nous-mêmes.

Monday, September 10, 2018

[NO WAY] - 27

Un peu désespéré, il comprit qu’il passait son temps sur le WEB à ne faire que répondre à d’incessantes stupidités échangées à l’aide de différentes applications de messageries instantanées, et comprit que ce n’est pas comme ça qu’il allait rencontrer qui que ce soit. Il partit à la conquête de Paris et traversa sans doute l’intégralité des arrondissements, car lorsqu’il se rendit compte qu’il en avait plein les pattes, et surtout, qu’il était mort de soif, le soleil se couchait sur la plage du côté de la Seine. Un dernier groupe de promeneurs profitait des premières fraîcheurs du soir. Il retourna un peu vers le centre. Le marais. Ses shorts courts, ses sacs à dentelle, et ses bars tendance bière à six euros, mais il s’en foutait : il était célibataire.

Tuesday, September 4, 2018

[NO WAY] - 36

Le temps de formater. Un esprit se mobilise. On glisse. On flashe. On s’arrête quelques secondes. On passe. On se rend compte que le flux est infini. Alors, on s’arrête encore, et on passe à autre chose. Il n’y avait peut-être pas besoin d’en faire autant. Si tout était allé autrement, ce que ce serait aujourd’hui, à ce jour, comme on dit. Ce sont comme des regrets qui s’installent. Là où l’imaginaire se bloque, car c’est impossible à concevoir. Et pourtant, une étape importante est en cours d’achèvement. La conviction est allée au bout. C’est un nouveau début. On fait comme si on était parti de rien, ou comme si on n’avait plus rien. Peu à peu, s’enrichir, d’une nouvelle manière d’être au monde. C’est arrivé sans que cela s’annonce autrement que par la langueur installée tout autour. La déconnexion désirée est maintenant effective. L’addiction n’agit plus. Il n’y a plus non plus cette peur de tout perdre qui constituait une partie conséquente du quotidien. Tout est bien là, au moment le plus juste. Il n’y a plus qu’une sorte de proportion à trouver dans cette radicalité. Ainsi, ailleurs. Les objets continuent d’indiquer les pistes à suivre. Voici un appareil, par exemple, qui ne fonctionne plus, et tous les appareils en arrêt depuis de nombreuses années ressurgissent. Ils font foule, eux aussi. Ils ramènent à l’histoire. Ils offrent une autre dimension à la notion de rupture, tentée à plusieurs reprises, dès le plus jeune âge. Inutile de faire un effort de mémoire. Il suffit de les savoir là, parmi les éléments actifs. De puiser ce que cela génère d’émotions réelles. De ce qui était supposé disparu. Abandonné. De ce qui, de fait, ne l’a jamais vraiment été. C’est un regard qui se pose. Un regard chargé de l’expérience traversée. Une écoute nourrie de tant de paroles circulant dans le corps. Lorsque le premier objectif était d’aider, mais au fond, mieux vaut l’admettre enfin. L’aide était gauchement dirigée. Quelque chose d’autre était en jeu, dont l’une des limites se ressent aujourd’hui, consciemment. Comme payer une dette individuelle. Envers soi. Les dernières ressources sont sur le point d’être épuisées. Alors, c’est l’invention, seule, qui trouve une solution. Un univers parallèle. Un lieu où tout ne fera qu’aller de mieux en mieux, puisque l’échec n’est plus possible, que cette notion a été assimilée au profit d’une autre. Tentative. Essai. Ça n’aurait pas réussi, selon ce qui avait été fixé comme objectif, mais ce qui a précédé, les efforts, les prises de décision, ont agi là où il était possible que cela agisse, tout simplement, recadrant parfois, remobilisant d’autres fois. Un sommet de montagne était attendu. C’est la mer qui se présente. Et l’adaptation est plus aisée dans ce nouvel élément. La force est alors de se dire qu’au sommet de la montagne ne se serait trouvée qu’une forme de souffrance, à trop vouloir lutter. Aussi, ne même pas se demander quand il aurait fallu bifurquer. Il fallait cette tentative. Il fallait cette direction. Il fallait s’imaginer qu’il serait possible d’inclure un grand nombre de connaissances dans une sphère rapprochée. Il fallait reconstituer les visages de celles et ceux à qui les messages s’adressaient. Il fallait, au fond, se produire dans l’inconçu. Chaque fois, s’y attendre. Un coup de sonnette. L’interlocuteur n’est pas là. Il a oublié ce qui avait été dit. Ce qui avait été convenu. À aucun moment il ne considérera qu’il s’est trompé. C’est ainsi qu’il a choisi de vivre cette relation. Tenter sans se l’avouer de se retrouver seul, ou comme il est, ou comme il l’a toujours désiré, au milieu de l’après-midi, encore lourdement endormi, alors que ce qui se préparait aurait dû le mobiliser. Il n’en était rien. Tout cela n’avait aucune importance. Il voyageait, en rêve. Il revoyait une douce arrivée dans un lieu partagé. Il était reconnu. On l’invitait. On le présentait. C’était si agréable d’être ainsi accueilli. Toujours avec un large sourire. Un endroit où il pensait occuper une place qui lui convenait, tellement, qu’il y allongeait ses heures de présence sans plus compter. C’est bien là qu’il fallait développer. Au plus proche de soi. Comme une seconde maison.

Tuesday, August 28, 2018

[NO WAY] - 18

Nouveau départ, encore, pour tenter de ne pas se laisser abattre, parce que la situation n’est pas encore totalement réglée et que la menace est toujours tenace, elle encercle la tête et coupe tout désir de continuer, comme si l’esprit de l’autre continuait d’agir à l’intérieur même du désir. Une forme d’épouvante s’empare. Tous les gestes attentionnés qui pourraient être comme un retour à soi sont totalement figés. Il faudrait réussir à rappeler les sensations d’une main caressante sur la cuisse, du jour où je l’ai retrouvé.

Friday, August 24, 2018

[NO WAY] - 2

Le temps passé à vouloir à la fois reconstituer la chronologie de faits anciens et développer l’univers fictif que ces mêmes faits génèrent au présent n’aura été qu’une période d’acceptation durant laquelle l’empêchement et le désir d’aller contre se sont confrontés en une multitude de variations qu’un quelconque plan d’action n’aurait jamais réussi à prédire autrement qu’avec des séries inaptes à leur nécessaire adaptation.

Monday, August 20, 2018

[NO WAY] - 9

De l’insomnie.
De la mémoire du corps.
Des coups dans la poitrine.
Des bras tordus.
Des coups dans le dos.
Des étranglements.
Des coups dans l’épaule.
Des courbatures le lendemain.
Des maux de tête.
Des nausées.

Solitude.

Parce c’était trop. Trop souvent. Trop longtemps.
Des coups. Des maux. Des courbatures.

Et la nausée.

Tuesday, August 14, 2018

[NO WAY] - 15

Il l’avait croisé par hasard, à la sortie de la gare. Toujours ce hasard. Il avait l’air de planer, dans son monde. Rien d’important, jamais, mais tout de même des pensées qui l’emportaient, ailleurs, dans son monde à lui. Ah, tiens, oui, pourquoi pas un café, mais il avait pris un jus d’orange et un croissant, quelque chose qui prendrait plus de temps que prévu, mais ça lui allait. Ça lui faisait du bien de juste passer quelques minutes avec lui. Il serait sans doute un peu en retard, d’autant qu’un café, c’était vite avalé, mais un jus d’orange et un croissant, ça voulait dire attendre, ça voulait dire l’attendre. Une donnée parmi d’autres : l’autre n’avait pas vraiment la notion du temps. Un café, c’était juste cinq minutes. Parfois plus. Jusqu’à moins le quart. Ça dépendait de l’heure d’arrivée des trains qui, à cette heure-là, dans ce sens-là, n’étaient pas prioritaires. Les conducteurs avaient ordre d’attendre, de laisser passer. On voyait la banlieue défiler. Paris, dans son nuage de pollution, et tous les matins, une vision du ciel dans lequel il vivait. C’était le plus beau point de vue sur l’aube ou, selon les saisons, le début de toutes les matinées qu’il allait passer en dehors du tumulte de la ville, juste pour le plaisir d’avoir à traverser un bois, sentir qu’il respirait mieux là, se rappeler qu’il avait fait le bon choix.

Friday, August 10, 2018

[NO WAY] - 54

Ce qui va faire actualité est plus simple que ce qui s’imaginait plusieurs mois en amont. C’est un commencement, une arrivée dans une sphère inexplorée, où il faudra de la sincérité. Un positionnement a été décidé. Il ne faudra pas s’en écarter. Ni de toutes ces sensations qui naissent lorsque le repos s’impose. Il est vrai qu’une dimension échappe à tout ce qui se produit au fil des journées, s’inscrivant dans ce qui longtemps ne fut qu’admirer. La carrure, par exemple. Cette manière grâce à laquelle le mot ne fait que se former. Ce moment où il vient s'immiscer. C’est comme un plan qui se mettrait en mouvement, un temps de travail à consacrer à autre chose. Tant d’heures passées à se relire. La mémoire est pleinement sollicitée. Elle s’engorge de données qu’aucun format ne pourra jamais saisir. Il n’y a plus que le vivant à l’œuvre. Une seule force à contenir.

Monday, August 6, 2018

[NO WAY] - 34

Des connexions sont faites. Conviction que tout en soi s’entraide et que cela apporte plus de pertinence à l’ensemble. Rien ne se perd dans le temps. L’imaginaire prend le dessus.

Monday, July 30, 2018

[NO WAY] - 30

Un mouvement se prépare. Les pensées nettoient. Une priorité absolue, désormais, sera de ne plus se laisser envahir. Puisque les coïncidences ont permis que naisse une parole, si intense, si peuplée. Temps d’écoute. La crise monumentale est peut-être passée. Ce ne serait pas utile d’y revenir. Et pourtant, elle est là. Dans la paume des mains. Comme un froid permanent. Elle n’aurait fait qu’agir sur la manière de dire, changeant de format. La voilà donc, cernée. De toute part. Cohorte d’outils simples. Un principe pour chacun. Il n’y a rien d’autre à dire que de s’en servir. Ce qui apparaît est sous la forme d’une atmosphère émotionnelle. Points de fuite ou points de chute. On ne le saura que dans un mois, dans un an, dans dix ans. Nécessaire lecture de ce qui a eu lieu, maintenant, existant, la naissance d’une opération méditée, volontaire, dont il faudra se dessaisir.

Tuesday, July 24, 2018

[NO WAY] - 13

Le règne de l’insignifiance. Il suffit d’une star et tout le monde applaudit. Il n’y a pas de système dans le système. Il faut arrêter de croire qu’on est manipulés. Aller moins vite. Travailler sur le micro temps. L’instant même de l’émotion. Gravure de l’âme. Musique répétitive. Tempo de l’éternité. Un mot, puis un autre. Entrecoupés. Une longue phrase, qui n’a rien à voir, mais qui surprend, par sa beauté. Saisissante, comme une Haïku. L’évocation de quelque chose d’intime. Une figure de l’auteur. Obsession. Conviction. Ce n’est pas si facile de partir. Dans tout ce qui est là, il y a une partie d’un tout qui, jusqu’alors, semblait cohérent. Réussir à s’arracher un bras. Abandon de soi. Le long des maréchaux. Vie bruyante. Toujours en travaux. Il marche dans l’inconnu. Lentement. Comme en sortant d’un spectacle bouleversant. Il ne prend pas les transports en commun, et pourtant, il est dans la foule. Nouvel espace. Ça respire déjà.

Friday, July 20, 2018

[NO WAY] - 7

Il aurait fallu supposer qu’on n’ait rien d’autre à faire, le matin, que de laisser fuir ces drôles de personnages tentant tout de suite de piéger la pensée, comme s’il ne pouvait exister qu’une seule manière de l’alimenter, qu’une seule manière de la programmer, se sentant toujours dans la catégorie de ce qui doit, pour survivre, envisager de chaque jour s’améliorer, non pour mieux se faire comprendre de qui que ce soit mais pour être soi-même plus à l’aise avec l’idée qu’on est peut-être venu, sans trop s’en apercevoir, à peu à peu mieux espérer que tout installe dans la durée un idéal qu’on avait d’abord cru possible uniquement en se consacrant aux regards blessés, aux vies longtemps malmenées de n’avoir eu qu’à lutter, comme si, en aidant, on serait arrivé jeune à l’objectif fixé, tâchant de le maintenir, de se voir être quelque part, identifié, pour qu’un entourage n’ait plus à se poser la question de savoir dans quelle case on s’était, peut-être, retrouvé, croisé, à quel moment il était envisageable de partager, ne se laissant pas emporter par l’évidence, la récurrence, la seule méthode qui aurait été considérée pertinente, pour aussi apercevoir, là où ils sont, les trous de la conscience, comme un dimanche, on range, on lave, on fait différemment, on revient à soi lentement, ce pourrait être le dernier jour, la dernière fois, on dirait « il est arrivé jusque là », puis un virage, un autre paysage, où il faudra faire cet effort de se déplacer, pour n’être plus jamais figé dans un unique tableau, pour ne plus avoir à justifier quoi que ce soit, puisque l’intérêt n’est d’en vivre qu’à la manière que nous avons choisie, celle de n’être obligés par aucune convenance, aucune obligation que nous n’aurions pas nous-mêmes inventée.

Monday, July 16, 2018

[NO WAY] - 35

Il se disait que cela ne servait à rien d’essayer de comprendre ce que signifiait l’insouciance de cet instant. Le rythme de la vie était pour lui comme une chanson qui tournait dans le vent. Il pensait à ce que pouvait être le climat de tension dans l’esprit d’un fils qui se serait cru sans père, alors qu’il pensait un peu benoîtement : « On a toujours un père. Même s’il est mort, on garde toujours une partie des défunts en soi ».

Tuesday, July 10, 2018

[NO WAY] - 3

Ces parts ressemblant à quelque aveu ne devront jamais trouver d’ancrage, au point où il est envisagé de détruire, simplement en ôtant des pages, tout ce qui ne semble pas nécessaire à la compréhension du tout dont il n’est question que dans sa réalisation finale, c’est-à-dire, aboutie, ne laissant aucun doute s’agissant de l’intention première de tel ou tel support ne servant, parfois, qu’à s’exercer ou à diviser les éléments en plusieurs blocs afin qu’ainsi mieux définis ou seulement mieux déterminés, ils constituent les bases de ce qui sera développé, épuisé, autant dans les formes donnant naissance à un produit de l’analyse que dans ce qui n’est là que pour ne plus jamais revenir, comme une caisse où s’accumulent les archives de l’être, les fonctions émotives de quelque traumatisme qui n’auraient fait que polluer le corps du texte.

Friday, July 6, 2018

[NO WAY] - 17

La critique se formule, presque intransigeante. Les formats ne correspondent pas à ce qu’il faudrait conquérir en terme d’espace. Il manquerait une part d’humanité, une sensibilité au réel. On ne pourrait pas faire que décrire, ou illustrer un fait de société, qui deviendrait quelconque à cause de son adaptation. L’ennui, d’abord, à contrecarrer. Un questionnement concernant la suite serait à l’origine de quelques troubles, mais des choix vont être proposés. Les voilà qui se présentent. Les inachevés, en tout premier lieu, ne doivent plus être craints. Ils mettent en scène une langue révolue. Les retraverser serait comme, seulement, les réadapter. Ils existent. Ils ne sont pas des échecs. Ils ont été mis en suspens, car ils attendaient une sorte de bon moment pour être en partie renouvelés. Une plus grande énergie a pris le dessus pour quelque traversée nécessaire. Les temps de chacun ne sont jamais les mêmes. Certains prennent plus de dix ans pour exister vraiment. D’autres se font en quelques semaines. Ils se projettent dans le quotidien. Ce sont comme des parfums préférés à certaines périodes de la vie.

Monday, July 2, 2018

[NO WAY] - 8

Les obsessions sont des blocages. Le problème du support devient infernal. Tout serait tellement plus simple s’il y avait des étapes chronologiquement observables : quelques idées, un brouillon, un plan, une mise en chapitres, un incipit, une fin, un beau titre, un exergue, une dédicace, une signature. Le mode de fonctionnement du parfait roman. On a tous rêvé de le trouver sous le sapin le matin de noël, de croiser quelqu’un qui nous dirait que quelqu’un a vu quelqu’un avec, sous le bras, le manuel du parfait écrivain. Il sera là ce soir, à minuit, au coin de la rue. Il suffira d’être ponctuel. Tout rassembler sur une seule et même page. Ça aussi, c’est un rêve de communiant. Des pages, il y en aura des centaines de milliers. Il suffit de les lire et de se laisser porter. Il sera impossible de continuer ailleurs qu’ici. Alors, en voyage, ce sera autrement, et la vie sera différente. Il n’y aura plus de code ni de voie tracée, plus de méthode, plus de blocages. Un personnage se crée. Il souffre d’avoir à déplacer son corps pour rencontrer le monde.

Tuesday, June 26, 2018

[NO WAY] - 28

Il s’affala lourdement dans un canapé, ne pouvant s’empêcher de regarder son téléphone toutes les sept minutes (moins de dix voulant dire : bien atteint). Il expulsait d’incessants soupirs en se plaignant à lui-même qu’aucun de ses projets n’aboutissaient et qu’il aimerait bien en avoir un nouveau qui pourrait l’occuper un peu. Son regard se détacha longuement vers le fond du bar et resta de longues secondes planté dans celui d’un mec qu’il trouvait sacrément mignon.

Friday, June 22, 2018

Monday, June 18, 2018

[NO WAY] - 60

Tant de temps pour trouver le moment de se recentrer face à tous ces troubles, du matin jusqu’au soir, des vagues, dans le silence, à suivre l’évolution d’une course en plein ciel, oui, du soleil, comme un animal, allant à sa rencontre, agissant n’importe comment, jusqu’à perdre le goût de mener l’entreprise jusqu’au bout, à cause des dispersions, des élans inaboutis, des feuilles inachevées, partout, visibles, puis jetées, d’un univers où nous ferions table rase, ce qui a été clairement dit, mal compris, presque avec mépris, issus de ces visages sans expression, chargés de fatigues, des âges décalés, alors qu’un mot, « Bienvenu », quand il y en a tellement d’autres, a bel et bien été entendu, l’avoir en ligne de mire, le sujet, là, dans la suite, abordé, de ce personnage reclus, de ce paysage désolé où seule la pluie fait sens, des pavés, des lumières atténuées, ne plus avoir envie de le voir disparaître, pour cet exercice si difficile, de reprendre, page après page, l’inertie constatée parce qu’elle a été livrée aux pires formes de l’incompétence avec, toujours, en mémoire, ces paroles venues d’une autre âme, que les chemins seraient arides, que rien ne serait donné, la preuve d’un profond rejet de l’autre, mensonges découverts, tabous installés, dans l’entourage direct, celui du quotidien, là où nous attendions, peut-être, un simple encouragement, ou un peu d’aide, pour trier, pour voir disparaître peu à peu ce long générique où s’inscrit le nom de celles et ceux qui ont produit l’impensable, à force d’être capturé par un même besoin d’inexister.

Tuesday, June 12, 2018

[NO WAY] - 25

Ce qui s’approche. La sensation. D’une porte venant de s’ouvrir. L’immédiat présent. Pour qu’un texte ne parle plus de ce qui s’est passé. Constamment prendre les devants, pour étudier l’émotion, en tant que telle. Un horizon d’attentes et de faiblesses. Sentir à quel point il serait simple d’opérer sans toutes ces chaînes. L’immatériel. La pensée. S’il n’y avait plus de personnages. L’histoire de l’écriture. Pas seulement naissance, parcours et mort. Son histoire, aujourd’hui. Ce qu’elle raconte. De vouloir être plus présente, sous toutes ses formes. Continuer. Ne plus subir l’orchestration d’autres formes. Inventer, donc. Comme ça, hésitante. Forcément singulière. Comme un chant. Un exercice permanent. La phrase se disloquant. Aucune idée ne s’accrochant réellement. Gestion de la multitude. Jamais trop. Dans la chaleur des mains. Encore. Ce si beau mot. Qu’il faudrait répéter. Une image se formant, douce, complaisante. Pourrait se traduire, mobiliser un effet. Une métaphore. La balance presque amère d’une immense fatigue qui, lentement, dévoile un rythme d’inscription se lisant désormais dans l’évasion de l’esprit, au point où la suspension deviendrait une unité de mesure, entre l’écoute et la formulation. Tout sonne comme un début. Le paysage ne fait que se découvrir. Une plaine. Au loin, une montagne. Une odeur de pins. La polyphonie s’impose. Une seule voix ne pourrait suffire. La création à produire ne relève pas de ce côté-là. Ce serait se tromper. Le brouhaha, la confusion. Partout, produire, comme un métier, où se spécialiserait une fonction, alors que le misérabilisme ne paie plus. Une vie serait à intriguer. La peur s’installe. L’inquiétude. Le temps a été annoncé. Lune voilée. Flou intégral. La fuite ne serait qu’une idée. Les besoins immédiats. Encore. Le faire dans la réalité. Réaliser. Ces ponctuations détestées. Les extraire. La fleur pleurait. Encore. Le passé. Où tout ne serait que pour réactiver ce qui n’est plus utile. Voir comment se construit cet espace dominé. Une autorité sauve, responsable de tout. Ne plus croire que la feinte viendrait combler un manque. Elle est choix d’être. Elle est manière de dire. Planter dans l’atmosphère la surprise d’un dérangement. Partir, pour penser. Partir, pour écrire.

Friday, June 8, 2018

[NO WAY] - 59

Le silence est toujours incomplet. Céder à ce que le corps réclame, en écriture, à ne pas savoir qu’en faire. Retour au désiré, où l’intention n’est pas claire, le projet, indéfini, grands espaces à mesurer, comme une ponctuation du sensible, s’ouvrant, désormais, parce que ce sera sans doute le plus difficile à admettre, ne rien projeter, ne rien attendre, une partie, seulement, à gérer, l’autre, à épuiser. Trouvé, ce style, émotionnel. Un style de l’absence permanente, du regard constant, s’imposant pour une réalité qui n’était plus envisagée, le plaisir d’être, seulement, face à quelques incompréhensions, tout ressentir, les troubles, la tranquillité, voir ce jardin fleurir, les risques pris, tant de personnes qui succombent. Les clivages apparaissent plus clairement. Il n’y aurait peut-être pas nécessité à le transmettre. Pouvoir de la justice, préféré, pour protéger l’intimité, parce qu’il n’y avait plus rien à dire, ou plutôt, pas d’autres manières de le dire. Silence des êtres se pensant supérieurs. Il aura suffi de compter, le nombre de jours. Le vertige. L’immobilisme. Ces thèmes qui polluent l’esprit. L’évidence. À devoir plonger dans le gouffre de la continuité, pour expulser. Vont disparaître les sentiments d’échec. Rétablir l’écoute intérieur. Cette agressivité-là ne gagnera pas. Cette immense pulsation. Cette profonde douleur. Qu’il s’agirait de dicter. Comme on pense. Lorsque la vérité a été entendue. Nous en sommes partis. C’est à lui que j’aimerais écrire. Pour lui dire qu’il pourrait en faire autant. Les coïncidences sont si nombreuses. Ce lien si précieux. Qui dirait l’essentiel. En cours de traitement. D’analyse. Y lire, désormais, les précieux résultats. D’abord, la crise, en préparation, les sursauts qu’elle génère, jusqu’à fonder l’inacceptable, la valeur. Puis l’outil, comme appelé. Penser à ce besoin de renaissance. Le virtuel, insensé, suspendu au-dessus du temps. La réalité était devenue insupportable. Il fallait se plier à trop d’autoritarisme en même temps. Le refuge. L’abstraction. Sans regrets. Pour ces innombrables bénéfices. Premier acte de parole. Premiers refus d’obtempérer. Installé dans la durée pour voir l’influence s’effacer, nourrir la phrase. La nouveauté, réelle. Ça n’avait jamais existé. Ça n’existera pas autrement. Ouvert, comme un possible dernier instant. Deux jours passés. Peut-être trois. Pas de nouvelles. Plutôt que d’appeler les secours. Venir constater par soi-même. Jusqu’à comprendre, dès la porte entrouverte, à cause des pièces éclairées, de la musique, de l’odeur. La panique. Les cris. À se demander combien de temps il aurait suffi pour arriver plus tôt, pour que ça n’arrive pas. L’indéchiffrable spectacle. Un corps nu, dans une baignoire. Les yeux et la bouche, ouverts. On ne savait pas quoi faire. Ne rien toucher. Tout renverser. Appeler. L’évanouissement. Des heures entières passant. Jusqu’à prendre conscience. Qu’ils l’emportent. Que les heures qui suivront ne seront que pour errer. Que le son strident qui retentit dans la tête ne s’arrêtera plus. Que les pleurs ne s’arrêteront plus. Que personne d’autre ne viendra toucher toutes ces affaires laissées. Qu’il faut encore appeler. Prévenir. Des proches. Les plus proches. Quand on ne sait pas ce qui s’est passé. Quand on ne sait pas pourquoi. Qu’on a rien d’autre à dire que « Je l’ai pressenti. J’aurai dû venir plus tôt ». Et maintenant, il est trop tard. Il est mort. Ils l’ont emporté.

Monday, June 4, 2018

[NO WAY] - 10

Une première porte. Un escalier. Une odeur de moisi.
Une seconde porte. Un parterre de fleurs à contourner.
Sous un porche. Une troisième porte.
La rue. Les passants d’un autre monde.
L’inconnu, apaisant, comme une caresse.
La pluie, n’agissant plus.
Sur rien.

Sunday, June 3, 2018

Dominique Sigaud

Je ne sais pas encore jusqu'où la littérature peut tout admettre. Champs au fil du temps de plus en plus vastes. Ça ne se referme pas, c'est l'inverse, à chaque porte, une autre.

Monday, May 28, 2018

[NO WAY] - 39

Comme nous aurions oublié. De nous retrouver. La parole des si nombreux silences. Après tant de jours, isolés. Des lieux qui là seraient datés, montreraient ce que nous serions sur l’instant. D’autres, en report, pour endeuiller. Avec, toujours, en paysage de fond, maintenant qu’il y a suffisamment de choix, ce qui manque, vraiment, au moment où il faudrait s’y remettre. Insensée. Aux idées folles. Envahissantes. D’une rencontre. Dans la pensée. Des êtres encore immatériels. Ils ne sont plus d’actualité. Pas seulement morts. Pas toujours. Physiquement. Dans la virtualité. Si présents. Venant révéler la pression qui se joue au quotidien. Venu effleurer la beauté. Dans un monde assumé de sensibilités diverses, laissant pourrir, ce qui n’est utile qu’à des vies que nous ne souhaitons voir se développer qu’en marge des écritures, nourrissant l’émotion désolée, un besoin d’en lire les manifestations, telles qu’elles sont, publiques, non plus dans l’expression des corps incarnés mais dans celle des corps textuels, seul objet d’une unique conquête, repoussant, quand peu à peu s’installe un avenir qui ne serait accessible à personne d’autre qu’un lecteur inventé, toujours, mesurant les tensions d’un ensemble de personnages.

Tuesday, May 22, 2018

[NO WAY] - 1

Je n’ai jamais su dessiner. Alors, j’écris. Quand je coloriais, je débordais. J’avais peur. Alors j’écris. Au moins, la fleur est exactement là où il faut sur le papier. Je n’ai pas besoin d’y mettre un soleil pour signifier l’admirable couleur du ciel. Je peux faire le portrait d’un personnage sans qu’on le confonde avec une quelconque animal et le nommer comme je l’entends, lui offrir le plus beau des châteaux, mettre face à lui le plus beau des paysages. C’est exactement cela. Tout devient beau. Je m’étais imaginé un jour que je me mettrais à feuilleter tout cela comme on regarde une série d’esquisses, mais j’y ai vu un nouveau roman. J’ai vu, plutôt, comment de l’idée d’un roman j’étais parvenu à en concevoir plusieurs, comment les chemins s’étaient dévoilés tel que je l’avais rêvé, en écrivant. J’avais conçu, ou plutôt, retrouvé, ma « source inépuisable », elle avait comme longtemps dormi. Il avait suffi de s’y joindre. Tout s’était à nouveau mis en mouvement. Je ne saurai jamais pourquoi tout ce temps était nécessaire. Je ne m’autorisais pas, sans doute. Et maintenant, je sais qu’il n’y aura jamais rien de rigoureusement identique à ce qui est là. Ce sont les dernières pages. Je pense à celles que j’ai saccagées. Il fallait essayer. Il fallait commencer, s’égarer, se laisser emporter. Ah ça oui, je l’ai transporté, partout, puis je l’ai oublié sur une étagère, puis je l’ai repris, tant de fois. Je m’étais promis de le recommencer mais ce ne sera pas possible. J’ai fait des kilomètres à pied dans le froid avant de m’en rendre réellement compte.

Friday, May 18, 2018

[NO WAY] - 23

Enfin entièrement déshabillés, allongés l’un contre l’autre, face au spectacle de la beauté d’une intimité partagée, ne cessant de se caresser le long des corps, ils n’arrêtaient plus de se regarder et Eric, avec cette merveilleuse timidité qui le caractérisait si bellement, se disait déjà qu’il n’était peut-être pas nécessaire d’aller plus loin. Cette beauté-là lui suffisait. C’était la première fois qu’il voyait de si près un corps d’homme nu et il s’étonnait de chercher quelle partie il allait à nouveau embrasser pour à la fois raviver un désir qu’il sentait pouvoir assouvir et déclencher en l’autre le plaisir d’être touché. Il ne se souvenait déjà plus combien de temps s’était écoulé entre le moment où il avait accepté une première caresse sur son bras et celui où il s’était retrouvé n’en pouvant plus de porter ses vêtements et de devoir attendre de n’avoir plus qu’à se frotter le long d’un autre corps. C’est pourtant lui qui, le premier, avait ôté son t-shirt voulant initier une phase de dénudement qu’il ne pourrait sans doute plus freiner. Il voulait sentir l’effet que provoquerait la sensation d’une nouvelle peau sur la sienne. Après quelques baisers dont la cadence s’intensifiait, il avait retiré le t-shirt de son amant et s’était jeté sur sa poitrine pour l’embrasser.

Monday, May 14, 2018

[NO WAY] - 14

Il faudrait sortir de l’inertie, quand la fatigue semble gagner, quand plus rien ne se fait concrètement, à cause de la diversité, de la multiplication des moyens d’expression, là où nous pouvons crier, là où nous voulons rassembler, là où nous pourrions nous distinguer. Ce que dirait un style désormais bien identifié, dans l’amalgame de certaines allusions, dans le débat politique, inscrit, pour dire la puissance d’une énergie collective, quand l’auteur est le seul à tout identifier, dans son entourage, oui, le sien, ni donc celui d’un autre, ni celui de tant d’autres, le sien, où il est le plus grand spécialiste, l’expert, pour utiliser les mots d’aujourd’hui, les mots nécessaires pour admettre, la question de la légitimité, quand l’essentiel ne devient plus d’être lus, mais bien d’écrire, tellement de temps disponible pour ne plus rien faire d’autre, quand on n’attend rien de quiconque, quand se dessine une nouvelle loi, à confondre les sensations, pauvres, indissociables, les regards qui se portent, dans une liste, comme d’incessants constats, quelque chose qui ne va pas, là, dans le système, parce que s’écrit ce qui ne sera plus retravaillé, loin, séparé, où nous ne voudrions plus voir défiler que du texte, à s’y perdre, parce que c’est devenu un objectif, perdre celui qui entre dans le labyrinthe, par une singularité, une phrase qui ne finirait plus, ou plutôt, un texte qui ne finirait plus, c’est cela, comme nous le lisons, l’infernal piège de la pensée, où elle serait, l’écriture, devenue la seule à régner, à tout moment, se rendant indisponible, si difficile à déchiffrer, ces heurts, ces coupures, poussant à vouloir crier STOP, comme autrefois, trop d’emballements, des heures, suspendue, pour ne produire qu’une autre voie, encore, un autre mystère, une autre étrangeté, des pans entiers de temps, consacrés, pour avancer un peu, un peu plus, un tout petit peu plus.

Tuesday, May 8, 2018

[NO WAY] - 42

Une notion qui aurait échappé.
Un caractère. Une histoire.
S’occupant d’une admirable perpétuation.
De traumatismes.
Portant la souffrance.
Quand se délient des significations.
Cet impossible de mourir, comme transféré.
Dans la mise en fiction d’une vie irréelle.

Sunday, May 6, 2018

Seyhmus Dagtekin

Si je devenais gros, je grossirais aussi les arbres
les immeubles, les voitures, les orbites
les gobelets, les œufs
Je grossirais les yeux des autres pour qu'ils puissent me voir gros
J'écraserais les os dans les eaux des reptiles
et les mettrais dans un œuf sans coquille que je goberais
pour devenir encore plus gros dans tes yeux
les déborder
nouer chaque jour le bout de ma phrase avec un nouveau lacet
près d'un arbre
au pied d'un chien trépassé
et tomber
dans un visage
sans face

Des meutes s'échapperont de tes phalanges jusqu'à la nausée

Friday, May 4, 2018

[NO WAY] - 6

Ainsi faudrait-il à nouveau détourner pour le plaisir que c’est de retrouver ces liens qui ont souffert de ne jamais prendre place dans cette continuité à laquelle s’est assimilé un objectif de réussite calculé à partir de notions délibérément esthétiques n’ayant plus qu’à réagir en fonction de ce qui fut depuis le début inconsciemment déterminé par une véritable sensation portée au rang de signification du réel.

Monday, April 30, 2018

[NO WAY] - 48

Le non communicable. Un soir. Une énergie détonante. Quand il suffisait d’observer. La transfiguration de ce qui se passe, en interne. Une beauté se réalisant, s’illustrant, en face à face. Quand il faudrait nommer. Un interlocuteur. Drôle de nom, d’ailleurs. Stressé quand il est trop sollicité par un « interlocuteur ». Disant. Ponctuellement. Ce qui arrive, partiellement. Des fulgurances. À vouloir être ensemble toute une nuit. Des passions tout à coup découvertes. Sensible, donc, à la continuité. Fidèle, même, peut-être. Fidèle comme on l’est en ce début de siècle. Écoutant peu à peu. Une voie ouverte. Dans la subtilité. Une sorte d’épuisement. Quand l’héritage prend forme. Qu’il faudrait transmettre l’essentiel en si peu de temps. Presque plus personne ne comprenant. Ce qui se passe. À dire. Que nous nous tromperions. De direction. Alors que la douceur est là. Des mains. Se parler. Doucement. Cette immense intimité. Une chance. Mémoire des esquisses constamment recommencées. Quand il s’agit d’être présent, d’abord pour soi, entendre le lent balancement de l’inspiration, du fond des âges, soudainement, accessible, apaisante, dans le silence de la nuit, déconnecté de toute perturbation du quotidien, du sauvage lancé au hasard pour, lui aussi, pulser, devant des possibles milliards, ne voir qu’un seul corps, aimé. Offrir. Ne rien vouloir d’autre. Qu’offrir.

Tuesday, April 24, 2018

[NO WAY] - 26

Après quelques tasses de café, une longue douche insultant toute notion d’écologie solidaire envers la planète, de multiples quarts d’heure à admirer son joli petit tatouage en bas du ventre, se selfiant sans mesure devant la glace, pensant déjà qu’il allait provoquer le destin et ne pas revenir seul ce soir-là, il était allé longuement se promener sur les pentes de Montmartre pour finir dans un parc, une bière à la main, feuilletant d’abord un livre intelligent, puis un journal, puis glissant sur son téléphone, partageant quelques selfies à deux trois contacts bien ciblés, s’allongeant en position « le désir est partout sur mon corps », matant les quelques joueurs de football qui avaient fait tomber tout ce qui aurait pu retenir la sueur provoquée par l’effort dit sportif.

Friday, April 20, 2018

[NO WAY] - 29

Il portait un pantalon un peu serré, très bas sur les hanches, une démarche nonchalante, toujours des mouvements de bras très expressifs, très vivants, un port de tête noble, des bijoux sur le torse, une chemise échancrée, détachée au niveau de la ceinture, des yeux clairs, une petite barbe peu fournie, fumant des cigarettes, une chevelure un peu volage où il passait ses doigts nerveusement pour redresser une mèche qui retombait aussitôt. Il riait de voir que Lucky Luke l’observait et qu’il feignait de ne pas le remarquer sans manquer de croiser son regard de temps en temps. Ils s’amusèrent à ce petit jeu quelques minutes puis il profita d’un mouvement de groupe pour rejoindre Lucky qui lui, restait de l’autre côté du bar, souriant. Banalités de premières paroles échangées. Se présenter. Se nommer. Moi, Jane. Toi, Tarzan. Proposer un dernier verre. L’accepter. On se disait déjà ce qui occupait nos vies, professionnellement. Dans le regard, une complicité heureuse et rassurante, de ne pas être complètement seul. La discussion s’emballa. Les bras se frôlèrent. Déjà, les jambes n’en pouvaient plus de rester coller les unes aux autres.

Monday, April 16, 2018

[NO WAY] - 5

L’excellence d’un premier mot déposé sur une nouvelle page, à s’entendre dire qu’un traumatisme serait multiforme, qu’une agression serait plurielle, organisée, coordonnée, ce que dira ce qui se prépare, de n’avoir pas vu venir que les éléments se mettaient peu à peu en place, repoussant une unique responsabilité, quand, encore, il faudrait revenir tellement en amont que les chronologies se croisent, à trop vouloir un avant et un après, peut-être, se souvenant surtout des étapes dans la confrontation devenue insurmontable, des niveaux de progression, de pire en pire, ou de plus en plus intense, une prise de risque évoquée, puis rejetée, parce qu’elle n’a pas d’explication possible, aucune justification, alors, oui, conclure, que ce n’était pas grand chose, finalement, que de s’être trompé, d’objectif, d’idéal, d’interlocuteurs, de confesseurs, d’amitiés, où tout ce monde d’âpres inconsistances s’effondre, où s’évaporent, se diffusent, les rancœurs, les attentes, où le regard du juge se détourne, enfin, autoritaire, ce qu’il aurait dû apprendre à être, vers la narration des corps, l’ennui, la douleur, la peine, aussi, si grande, à fleur de peau, constamment, de ne pas se sentir capable d’aboutir, où l’absence, tout à coup, se fait sentir, d’une sagesse observant le résultat de son œuvre, de là où elle s’est inscrite, dans l’écriture.

Tuesday, April 10, 2018

[NO WAY] - 33

C’est parfaitement cette sensation-là qu’il faut réussir à travailler. L’ennui, ou ce qui ressemble à l’ennui, de vivre en direct l’inaction dans un paysage déjà fragile. Cela ressemble à l’ennui parce que je ne sais plus quoi faire, comme si j’étais brutalement dépossédé de toutes mes capacités. Un lendemain de quelque chose, encore, que j’aimerais ne pas avoir à convoquer dans ce nouveau lieu, le nommer, donc, dans l’indéfini, pour créer à partir de cette unique volonté, le seul environnement que je souhaite voir exister. Je me rends bien compte que je ne fais que cela, en parler, l’évoquer.

Friday, April 6, 2018

[NO WAY] - 58

L’idéal en question. Immédiatement. Comme pour ne jamais avoir à se lasser. De continuer. Pour ne rien avoir à dire d’autre. Répéter. Dans l’insomnie. Les images qui reviennent. Là, toujours là. À surprendre dans l’intimité. D’un lien qui n’a plus de fonction. Ou plus d’autre. Que de se rappeler à l’ordre. À la mémoire. Aux émotions. Nous nous serions fondamentalement parlé. Une discussion, donc. Entre la victime et son criminel. Écouter ce qui en ressort. Un malaise. De l’intime. Une voie dévastée. Une certitude d’être encore en présence. Comme inévitable. Comme constamment impatient. Ce que serait la perversion. Comment elle s’exprime. À travers le silence des corps. Du texte. Se pensant comme plusieurs auteurs. En même temps. Travaillant ensemble, dans une même énergie, pour un même objectif, réunissant les données, à seulement quelques jours, avec des lâchetés, des faiblesses, citer, voler, perdre, où serait une sorte de patron, pour dicter, diriger, ce brouillon infini qu’est la pensée, avec ses stations, ses scansions, si souvent reportées, nous y sommes, reportés, relégués, jeu de frottements entre les lignes pour y voir se déclencher le désir, le grand abandonné, le grand sacrifié, pour la bonne cause, pour paraître au monde, inébranlable, un journal de bord achevé, avec un point, pour délaisser, pour refourguer, pour dévoiler. Pour dénoncer.

Sunday, April 1, 2018

Régis Jauffret

Sans amour l'existence est déprimante si vous appréciez le bonheur. Seul l'amour m'arrache, me propulse, me jette hors de moi, petite balle flottant au-dessus des corps pagayant vers l'orgasme, la coulée de lave, le raz-de-marée et puis l'accalmie, le clapotis sur le rivage.

Ils sont mystérieux les nouveaux amants. Des palimpsestes à l'écriture pas encore tout à fait apparue, une langue étrangère charmante dont on rêve le sens en écoutant pâmée la mélodie. Les années passent, on finit par la parler couramment. Elle a perdu ses charmes l'un après l'autre, des mots dénués de tout apparat, nus et crus, sans ces ornements qui les faisaient scintiller. Le mot amour déchu, deux solitudes en vis-a-vis. La table où on soupe n'est plus qu'une auge où l'on ramasse sa nourriture d'une mâchoire avide comme paire de bœufs une harassante journée de travail terminée, le foin de la mangeoire.

Vous trouvez que j'exagère ? Mais oui, l'amour exagère toujours. Quand on le voit arriver, quand on le tient par le col, quand il dure, quand il s'affaisse, s'étiole, pourrit sur pied ou devient sec comme l'amadou. Les amours se ressemblent tout autant que les livres qui pour sublimes ou mauvais qu'ils soient sont faits du même alphabet, de semblable papier, s'affichent sur des écrans de la même technologie.

Friday, March 30, 2018

[NO WAY] - 37

Rester sur place et traverser de multiples univers, comme des sensations, un nécessaire retour aux origines, d’un sentiment, très puissant, qui s’est développé à un moment comme celui-ci, dans l’isolement total, à ne plus vouloir voir comment devraient se déchiffrer les signes de l’impulsion, ce désir si communicatif de mettre en communauté l’exclusion. Ce n’était pas tant l’idée de s’en détacher qui s’exprimait, mais le besoin de reconstruire une conquête de soi, impossible à concevoir parmi ces renvois de l’urgence de ne pas être présents dans le monde autrement que par l’activité d’un autre. Ce sont encore des évolutions qui se comptent en années. Comme une nécessité de format. La pensée serait lente à modeler son espace, mais elle persiste à vouloir agir par fulgurances. Un constant effort pour la saisir, à tout moment, pour en réemployer l’énergie, comme hésitante, des phrases qui se métamorphosent, en seulement quelques minutes, pour rester dans une zone réduite au silence, ou plutôt, une fois exprimée, mourant, s’absentant, de n’avoir eu besoin que d’un court instant, cela même que serait son intime expression, avec, comme perdu, un regard s’immergeant dans ce qui ne serait utile à rien ni personne, souhaitant qu’il aurait dû y avoir une explication, dans l’ordre chronologique qui peut-être s’est inversé pour ne pas se laisser prendre au jeu de la simplicité, comme dans l’inespéré, l’idéal se manifestant, laissant libre le champ à l’aventure permanente.

Monday, March 26, 2018

[NO WAY] - 56

Reprendre le même format pour créer. Ce qui se dit dans ces moments-là, d’inutile. Parce que le monde s’ouvre. Sur une dimension presque ésotérique. Qu’on n’aurait pas imaginée seulement quelques heures plus tôt. À cause de l’absence. Se retrouver à vouloir être dans l’indéfinition du discours. Projet fou. D’un camaïeu de fictions. De la plus établie à la plus conceptuelle, du « je » au « nous », du réel au virtuel. Comme serait pensée l’émotion. Presque à son état le plus pur. Sans les pervers. Mais avec leurs perversions. Qui ne s’échappent pas. Qui sont inscrites dans le quotidien. En marchant. Soleil radieux illuminant le passé. D’un coup d’œil. Espérer. Mieux : croire. Qu’il serait un moyen de survie suffisant. Peut-être pour un an. Peut-être pour dix ans. Encore. Des durées impensables. En décalé. Par rapport à l’histoire réelle. Revenir non pour dire, parce que c’est acté, désormais, c’est dit, la parole s’est réanimée. L’année de l’explosion. Du grand cauchemar. Qu’il a fallu réaliser, avec des moyens brutalement fauchés. Il y a un an. Il y a dix ans. Le retour de toutes les formes du traumatisme. Comme une maladie incurable.

Tuesday, March 20, 2018

[NO WAY] - 47

Grands moments de vide pendant lesquels j’ai besoin soit de me relire indéfiniment soit de ne rien faire, indéfiniment. Des jours où je relègue comme au dernier moment toutes les tâches ingrates, comme pour libérer du temps en amont, qui ne sert qu’à observer, qu’à sentir, ce qui se passe tout autour, dans l’ancien, ce qu’il y a de différent, à tout avoir, partout, disponible, comme ce que pourrait être, justement, une vision de l’achevé, pensant à cette nécessité que j’ai eue de ne plus vouloir exister, comme disparaître, donc, à la vue du pervers, lisant ses mots dans mes mots, son empreinte, sa manière d’être arrogant vis à vis de l’esprit, qui s’est inscrit, pour se rappeler à l’ordre, quand le soigné viendra à nouveau aider celui qui n’attendait rien, finalement, se produisant dans l’inconnu, à quelques jours d’une nouvelle ouverture, voir ce qui a produit, toute l’année, parce que c’était l’objectif espéré, et parce qu’il s’est en partie réalisé, comme la fabrique d’une nouvelle histoire, là, sous mes yeux, impressionnant, le format d’une durée qu’on ne pourrait pas concevoir, un temps politique.

Friday, March 16, 2018

[NO WAY] - 12

Passer un jour dans un endroit où une vie s’est inscrite durant des dizaines d’années et laisser la mémoire agir. Assumer. Ne pas reporter. Retrouver un raccourci. Partir. Vite partir. Parce qu’un jour une autre vie s’est montrée. C’était le cumul de plusieurs hasards. L’un était né par hasard. Il avait eu ces parents-là comme il aurait pu en avoir d’autres, ailleurs. L’autre était aussi né par hasard, mais à un autre moment, dans une autre ville. Il avait eu d’autres parents. C’était le cas de tous. Et ce jour-là, quelque chose qui d’abord les avait séparés toute une première partie de vie les réunissait. Quelque chose s’est rencontré. Un hasard. Il a adoré ce moment, mal aimé un autre. Ils se sont liés, mais il a fallu partir. Fuir. Parce que c’était la mort qui tendait les bras. Il n’y avait plus que le café qui circulait dans son corps, jour et nuit. Un autre, encore un autre, était passé par hasard. D’abord parler, puis pleurer, pour la première fois. Poser sa tête contre une épaule attentive. C’est impossible de tout comprendre en une fois. Il faut du temps. Peut-être dix ans. Il lui a donné une clé. C’était la clé de chez lui. Si tu as besoin de prendre un peu recul, viens passer une semaine à la maison. Tu y viens quand tu veux. Quand il voulait... Le jour-même, le lendemain. Il y était allé passer quelques heures, respirer la fraîcheur. Il savait qu’il ne trouverait personne. Il allait juste prendre un peu de recul. Il y avait là un parfum qu’il ne respirait plus depuis de nombreuses années. C’était une partie de lui qu’il avait abandonnée. Parce qu’il n’y croyait plus. Que la vie pouvait à nouveau sentir bon. Il avait signifié sa venue en déposant une petite fleur blanche et un simple Merci. Se retourner. Partir. Franchir une nouvelle porte. Un escalier à descendre. Des boîtes aux lettres à observer, longuement. Une autre porte. La rue. Le cumul de toutes les autres vies. La nécessité d’un retour. C’était encore trop tôt. Il fallait laisser mûrir le projet.

Monday, March 12, 2018

[NO WAY] - 44

Il faudrait, maintenant, réagir, car le corps se dégrade. Ce n’est pas comme d’habitude. C’est dans la tête. La tête n’en peut plus. Elle voudrait exploser. Salive constante, répugnante, comme du fer. À toujours vouloir s’allonger. Pour dormir. Quand nous pourrions ne jamais avoir eu envie. De résoudre. Cette énigme-là. Comme s’il était nécessaire de traduire. Ce que serait l’angoisse. Partout. Inespérée. Propulsant. L’impensable. Au cœur de l’inédit. Pour ne plus rien sentir. S'anesthésier. C’est possible. Nous l’avons déjà fait. Sous la douleur. Ne plus rien sentir. Bouts de phrases éparpillés.

Tuesday, March 6, 2018

[NO WAY] - 11

Il y a ce doute sur la permanence. Un « pourquoi continuer » qui s’impose, comme s’il y avait tout à coup des milliards de choses à faire de plus importantes, comme aller voir un coucher de soleil, stupidement récurrent chaque soir. Ce serait croire encore, pour s’en sortir, des méandres, parce qu’ils ne se tarissent pas, eux, ils subsistent, ils changent même de forme à chaque instant, entre ce qui s’écrit lentement, comme se réalisant en substance, mais ne se voit pas encore, provoquant l’effroi, ce qui a été déposé quelque part et qui doit se retraverser en profondeur alors que ce qui a été justement écrit a fait de moi un autre auteur, un auteur qui se lit quand il était l’auteur jugé immature. À pleurer. Indigeste. Mais c’est pourtant sur ce qui existe qu’il faut aussi travailler, comme assumer, ce qu’on a été, un été, semblant se laisser envahir par l’écriture continue, si longue, si fatigante, pour seulement quelques pages, parce qu’il semblait que la qualité serait meilleure, seulement pour soi, en lecteur, celui qui écrivait ce jour-là, avec une nouvelle obligation, de s’y tenir, d’aller au bout d’un premier bout, aller pour voir, de l’autre côté, de ce qui se dit, de ce qui ne se dit pas, testant, emportant, pour ne pas pleurer réellement, s’éviter la honte de l’abandon, pour soi, quand plus rien ne parle autour, quand les paysages sont fanés.

Sunday, March 4, 2018

Anne de Staël

La calligraphie
Du premier croissant de lune
De la lunule
A besoin d’autant d’obscurité
Pour aller au plein du jour délié

Friday, March 2, 2018

[NO WAY] - 38

Parce qu’une main, une main devenue anonyme, caressante, une main appartenant à une partie du désir, une partie seulement, la même qui aurait activé un rêve, provoquant des images insensées, un corps qui jamais n’aurait dû être désiré, l’interdit, l’infidèle, comme une fulgurance, dos courbé, une bouche s’immisçant, pensant qu’il est désormais trop tard pour renoncer, à cause du respect, à cause du plaisir, tous les deux, réels, souhaitant qu’aucune donnée ne soit enregistrée, frontière de l’intime, définitivement franchie, don de soi pour l’impensable, dans le tumulte d’horizons à jamais noircis, ne voulant pas céder, se sentant piégé, à cause d’une seule seconde d’égarement, un instant de vie, regretté, quand il aurait fallu estimer que l’atmosphère était trop chargée du désir de l’autre, impossible à envisager une minute plus tôt, tout à coup, emporté, dans l’effondrement, comme un pacte signé, trop tard, trop loin, trop faible, le triptyque infernal de l’acte poétique, face à la désolation du discours, ne pouvant plus rien faire qu’aller au-delà de l’insensible, oui, oui, oui, pour combien de refus, avant, avant la soumission, avant que le corps s’allonge, avant que les vêtements se dégrafent, avant que la main tente tout, que la bouche transgresse, avant que le cauchemar commence.

Monday, February 26, 2018

[NO WAY] - 46

Il y aurait nécessité à faire vivre l’entourage comme une foule de personnages. Le temps qu’ils arrivent. Le temps qu’ils partent. Qu’ils naissent et qu’ils meurent. Qu’ils apparaissent et qu’ils disparaissent.

Tuesday, February 20, 2018

[NO WAY] - 49

Se voyant comme une ombre passant sans que personne ne s’aperçoive de rien, nonchalant, peut-être, mais sensiblement de moins en moins heureux. C’était hier abandonné, face à une fenêtre sale, la possibilité de mettre à profit un temps offert pour soi, malgré de nombreuses autres nécessités, occupant l’espace comme il a été proposé, pour feindre, encore, d’exister, comme un bureau éphémère, agissant sur tout ce qui administre l’obligation. On aurait oublié, mais il faut compter avec. Une pause, dans la pensée. Un espace espéré. Dans lequel un regard se pose sur l’immédiat, mais ne franchit pas le seuil d’un immense retour, à cause de la fatigue qu’il faut nécessairement gérer, comme à s’exercer de produire, dans un format qui ressemble, la variation, la poursuite d’un thème, pour laisser l’exigence admettre l’imperfection, la répétition, l’influence, à ne plus avoir qu’un seul rendez-vous avec l’inexistant, non pas ce qui est perdu, mais ce qui n’est pas encore là parce qu’il faut encore un peu de préparation avant de laisser l’avenir s’installer dans le corps.

Friday, February 16, 2018

[NO WAY] - 32

Là encore, une confusion entre le début et la fin. L’emprise et la libération. Confondues. Ou plutôt, inversées. Forte instabilité. Se réveiller si calme, dans la douceur d’une construction permanente et sans heurt, penser qu’il y a une forme de perfection de l’outil, parce que viennent se confronter l’aspect concret et l’aspect virtuel. Intégrer sa pensée à l’être. Se lire pour se comprendre. Une manière de toujours réactiver la pensée. Le corps céleste en cours d’intégration, dans la lenteur, avec beaucoup d’impatience, mais peu d’inexactitudes.

Monday, February 12, 2018

[NO WAY] - 52

L’art de ne plus rien avoir à espérer. Être dépossédé. Désolé. Circulez. Une mémoire s’active. Elle va dire l’essentiel. Que des hasards se sont rencontrés le temps d’une profonde discorde. Parce que c’était un jeu. De croire. Que tout était possible. Regardant le plafond. Délicatesse si subtile. D’un ventre. De la douceur de la peau. Des soupirs de plaisir. Musique abrevante. L’alcool altérant les sensations. Se laissant faire. Parce que ça tournait. Parce que ce n’était pas comme d’habitude.

Tuesday, February 6, 2018

[NO WAY] - 21

— Et dans ces moments de désir, que me fais-tu ?
— Ce que tu m’autorises, ce que tu sembles désirer.
Il pose une main sur mon bras.
— Comme poser une main sur un bras.
Je pose ma main libre sur le sien.
— Comme poser une main sur un bras.
Nous gardons longuement nos mains ainsi placées, en silence, puis il se retire.
Il avale une gorgée de rhum, se lève pour aller jusqu’à la fenêtre.
— Ce que j’aime le plus regarder de ton corps, c’est ta nuque, tes bras, et quand je le peux, tes yeux. J’aime aussi regarder ton sourire.
Il s’esclaffe.
Il se rend compte qu’il m’a gêné. Il se rassoit sur le canapé. Me regarde longuement.
— C’est un peu comme la peur.
Je le rassure en reposant ma main sur son bras. J’entame un léger mouvement, un début de caresse. Il se laisse faire, aussi j’amplifie le mouvement jusqu’à l’épaule.
— C’est une première fois, pour moi.
— Pour moi aussi, c’est une première fois.

Sunday, February 4, 2018

Charles Robinson

Nous avons arpenté le monde, nous voyageons déjà entre les étoiles comme s’il y avait des autoroutes. Nous ne pourrons pas aller beaucoup plus loin dans l’univers connu, en tout cas pas à si peu de frais.

L’entreprise doit créer des aventures inédites où le profit rencontre le pouvoir d’achat. Le consommateur ne peut rester un être velléitaire, écrasé par une offre formatée. Il faut créer pour lui, avec lui, une matière de désir, qui soit à son initiative. À sa hauteur.

L’entreprise travaillera directement sur le matériau des rêves.

Le consommateur nous vient avec cette matière brute, informe, gênante presque, parce que les fantasmes sont lourds à porter, stériles, inexploitables. Et par notre expertise, notre expérience, nous la raffinons en objets de désir, manipulables, valorisables. Les meilleurs désirs ont vocation à être dupliqués et commercialisés à grande échelle. Le consommateur devient un partenaire. On peut parfaitement intéresser un client au bénéfice de ses fantasmes. Un fantasme intéressant, susceptible de toucher d’autres clients, peut être affiné par nos soins, recommandé à d’autres clients.

Nous reverserons un pourcentage.

Tuesday, January 30, 2018

[NO WAY] - 41

Bilan succinct d’une journée passée avec les spectres, toujours fugaces, à apparaître sans s’y être attendu, à disparaître définitivement, l’hier aussi, à ne plus savoir comme il s’est perdu, à vouloir dire l’impossible, suffocant, les pupilles dilatées par une drogue, méconnue, au moment de se séparer, commençant à parler d’un événement qui se serait passé, et qui se serait relaté comme pour juste remplir la pauvreté d’une presque inexistence, globalement heurtée, en permanence, cherchant à se raccrocher à ce qui vient trop vite, à ce qui passe trop vite, préférant répéter plutôt que barrer, plutôt que remplacer, l’habitude, honteuse, la routine, banale, pour effleurer, ne pas laisser faire ce qui pourrait agir en profondeur, réellement, regardant tout comme un spectacle ancien, à se vivre anachronique, hors espace, imaginant comment pourraient se percevoir les éléments d’un inconnu sur l’autre, à distance, ayant préféré ne pas être, l’impensé, l’envers du décor, là où s’aperçoit la supercherie, l’arnaque, à tellement avoir voulu paraître, inventant une forme de distinction, pour n’être qu’un interlocuteur de la virtualité, quand la colère serait trop violente pour révéler, l’averti, sans détruire, sans faire souffrir, devant l’oubli, la mise en scène de l’imposture, fuir, fuir, ne plus vouloir que fuir, pour ne plus avoir qu’en vue ce besoin de punir.

Friday, January 26, 2018

[NO WAY] - 19

Nous venions de passer un peu de temps tous les deux à ne rien faire qu’être ensemble. Presqu'innocemment, il m’avait invité chez lui pour finir la soirée. Une histoire presqu’écrite à l’avance, ses parents absents, l’appartement juste pour lui pendant encore quelques jours, l’heure tardive où monter voulait déjà dire rester. Il m’offre un dernier verre. Nous nous installons sur le canapé et nous continuons nos conversations. Il me raconte quelques histoires banales et je pose quelques questions. À son tour, il pose des questions, et nous parlons un peu de sexe, d’aventures, je lui dis que toutes ces histoires sont lointaines, que dorénavant, je ne lie plus l’amour, la recherche de fidélité, au désir fou de partager un moment d’intimité avec un autre, qu’il ne soit qu’une seule fois, qu’il se répète maintes fois, sans lendemain, juste pour être ensemble, presqu’uniquement pour ça. Je lui dis que le sexe est devenu un plaisir en soi, comme on se baigne dans un océan en pleine nuit, avec ceux avec qui on a envie de partager ce moment-là, à ce moment-là. Il se demande si j’aurais le même discours si j’étais en couple, et je lui dis que je ne sais plus ce que c’est, être en couple, car c’est pour moi quelque chose qui s’invente à chaque nouvelle rencontre, sans code, sans méthode préécrite, et que c’est aussi comme ça que je considère une prochaine histoire, avec quelqu’un qui comprendrait ça, qui m’aiderait à mieux moduler ce que je pense, aime et ressens, sur ce qu’il pense, aime et ressent, lui, et que j’adapterais ma pensée, mon désir, sans aucun doute, surtout si je pense continuer, si je souhaite le rendre heureux, avec moi. Ce n’est pas qu’une question de fidélité ou d’infidélité, je lui dis que je ne veux pas savoir, c’est tout, ce qui se passe en dehors de nous de ce côté-là, de ce point de vue-là, estimant que si on ne fait aucun mal, on peut vivre une pulsion éphémère, une histoire parallèle. En parler, c’était déjà entrer dans une partie très avancée de notre intimité, d’autant que lui n’avait, à ce qu’il disait, jamais eu d’expérience de ce genre. Il disait qu’il était resté très classique, avec des femmes, avec fidélité, se disant être incapable de partager tout cela sans un début d’émotion qui ressemble à l’amour. Pendant ce temps-là, nous buvions du rhum de Cuba. Il m’avait autorisé à fumer, nous étions installés sur le canapé, l’un à côté de l’autre, tournés pour se voir, tournés pour se regarder. Je souriais et il me demandait pourquoi. Je lui disais sans me presser qu’il n’était pas utile de passer à l’acte pour avoir une expérience de ce genre et que ce que nous étions en train de vivre, à ce moment-là, relevait d’une forme d’échange intime qu’il n’aurait peut-être avec personne d’autre que moi, non seulement parce que c’était moi, mais parce que c’était nous, parce que c’était un choix que nous nous offrions l’un à l’autre, l’un pour l’autre, et que toute relation de proximité, quelle qu’elle soit, comportait selon moi une forme d’érotisme. Il me regardait, incrédule, se souvenant de tous les moments qu’il avait partagés avec des hommes soutenant qu’il ne se souvenait d’aucun moment érotique. Nous discourons sur le sujet. Tant qu’il n’y a pas conflit, il y a un besoin de partager quelque chose, même si c’est un verre, c’est une forme de plaisir d’être ensemble, surtout lorsque ce moment se fait uniquement à deux, pourquoi pas à plusieurs, c’est s’offrir un moment de plaisir. Il me demande si je n’ai réellement jamais eu de relations sexuelles avec des femmes et je lui dis qu’en effet, ce n’est jamais arrivé, ce qui ne m’empêchait pas de partager des moments érotiques. Je me moque en lui disant que moi aussi, finalement, je suis resté très classique. Il rit de se rendre compte que nous avons donc un point commun, c’est de n’avoir eu des relations qu’avec un seul et même genre de l’espèce humaine, les femmes pour lui, les hommes pour moi, riant sur le terme qu’il utilise globalisant l’humanité tout entière comme un paysage global où nous serions l’un et l’autre dans notre partie du monde sans aucune possibilité de se rencontrer. Je souris à nouveau, songeur. Je lui rappelle les moments que nous passions tous les deux dans la salle du rez-de-chaussée, et lui dis que je trouvais que c’étaient des moments sensuels, selon moi. Il me dit qu’il n’avait jamais perçu ces moments-là comme des moments sensuels, et je lui dis que ça n’avait pas d’importance, parce que ce qui comptait pour moi, c’était non pas ce qu’il me donnerait, mais ce que moi, je serais capable de lui donner, m’offrant un peu à lui en lui accordant un temps que j’aurais peut-être occupé autrement s’il n’avait pas été là. Je lui dis que c’était un bon souvenir pour moi. Il me demande si j’ai parfois ressenti un désir quelconque pour lui, et je lui avoue que oui, des désirs pour lui, j’en ai souvent, parce que j’aime l’attention qu’il semble témoigner aux autres, sa gentillesse et que je le trouve extrêmement séduisant. Il rougit un peu et me dit que maintenant que nous en parlons, il se rend compte qu’il s’en doutait un peu. Je lui demande s’il s’en doutait en se rappelant quelques signes que j’avais laissé paraître, comme des regards peut-être un peu trop attachés ou des paroles peut-être trop douces. Il me dit qu’en effet, il y avait peut-être pensé, sans vraiment le formuler comme ça.

Monday, January 22, 2018

[NO WAY] - 55

Il faudrait alors faire un point sur quelques stratégies du pouvoir. Celles ou ceux qui le détiennent aujourd’hui ou espèrent le détenir demain, exercent la forme la plus autoritaire qui puisse se trouver, celle de ne pas dire. Il suffit de voir s’exprimer les acteurs du jeu politique. Toutes celles et tous ceux qui le font, sur les réseaux sociaux, à la télévision, à la radio, toutes celles et tous ceux qui s’autorisent une prise de parole publique sont, en fait, dépourvus de pouvoir. Si « JE » ne formule rien qui pourrait être analysé, détourné, voire stigmatisé, « JE » prend le pouvoir.

Tuesday, January 16, 2018

[NO WAY] - 53

Plus envie. D’adapter. De proposer. Dans le sillage. Rien de propre. Rien de stable. Quand s’évoquent des temps futurs. Préférer que disparaisse ce besoin d’être inscrit quelque part, sur une liste. Quand viendraient de nouvelles actions. Regard à porter sur de nouvelles parties. Du corps. Qui se détend. En interne. Psychologie laissée en suspens.

Wednesday, January 10, 2018

[NO WAY] - 50

Les suivants se manifestent. Comme sur une liste d’attente. Impatients que ce soit leur tour. Projetant dans l’avenir la suite de l’intrigue. Préparation de l’ennui. Ou d’un autre travail. L’attente. La présence inutile. Le besoin de se montrer malgré l’inexistence de projet. Parce que le manque d’intelligence a tué dans l’œuf la raison d’avoir été sollicité. Par un autre. Dans un moment de fuite. Au moment où tout se serait accepté, jusqu’au congé sans solde, préférant ne plus participer à ce qui se faisait de plus monstrueux dans la vie, la destruction programmée. Pour faire de la place. Pour laisser la dictature s’installer. Et maintenant. Quand il faudrait parler. Cherchant un moyen de combler le vide. Ne plus penser qu’à l’immédiateté. Essayer. Pour contrer la destruction. Tous les coups sont permis. Alors, en voici un. Un début, qui ne ressemble à aucun autre début.

Sunday, January 7, 2018

Peter Handke

C’est ici. Nous y sommes. Nous avons le temps, maintenant. Aujourd’hui c’est notre jour et demain sera comme aujourd’hui. Pour l’instant vous aussi vous avez peur et à bon droit. Ici c’est l’hiver en été. L’impression de dominer toute la contrée du regard, c’est une illusion d’optique, la nature sauvage ici ne se laisse cadrer, ordonner, dompter nulle part par une fenêtre d’hôtel, par de l’eau courante, partout tout est muet, rien ne te regarde, nul être vivant pour t’adresser la parole, pas d’image dans le miroir qui t’apaisera, sous chaque pierre, il peut y avoir une vipère. Ici pas d’adversaire pour te laisser méditer tes coups au jeu, pas d’ennemi que tu pourrais regarder dans les yeux. Contrairement à ce qui se passe d’habitude, tu ne trouveras jamais le bon moment dans ce pays ni pour tirer ton couteau ni pour ouvrir un livre. Ni maintenant ou jamais dira-t-on, mais ou bien toujours et toujours ! ou jamais et jamais ! Ici dans ce pays jamais ton couteau ne devra couper du vivant, et toi tu pourras lire ici toujours et toujours, tes livres à toi aussi bien que l’écriture qui les accompagne et qui a pour nom NATURE. Je vous menace et je vous fais des promesses. Non seulement je vous promets que vous ne mourrez ici ni de faim ni de soif, que vous trouverez un toit et une couche, que vous reviendrez chez vous, mais je vous promets du bon temps. Nous verrons, ici, les choses sous une autre lumière et dans ce qui est sans vie, dans l’inextricable nous déchiffrerons des signes de respiration tant que nous laisserons entrer en nous l’air d’ici, et tant que nous nous mettrons en route le matin et que nous marcherons dans la lumière de ce pays, nous verrons dehors devant nous nos images intérieurs dans l’espace, dans la silhouette d’un mot, dans le rythme d’une mélodie, dans la forme qui précède une histoire. Vous êtes nouveaux ici, mais vous n’êtes pas étrangers. Chacun de vous est déjà venu ici : À l’époque où tu vagabondais sans but tu voulais revenir ici ; toi tu as parcouru les chemins d’ici sur les filigranes de tes billets de banque, toi, quand pendant la journée, un livre ne le faisait pas, tu t’es fait raconter le pays d’ici pendant ton sommeil. Désert qui depuis des millénaires ne sert que de lieu de passage ou de champ de bataille aux peuples, détruit sans cesse et dévasté de plus en plus, sans écho chez les poètes de passage, qualifié tout au plus d’insignifiant par l’un ou l’autre avec un fugitif regard de côté et par son successeur de mer de pierre — comme si Dieu s’était tenu là après la chute des hommes et qu’il avait étendu sa malédiction sur la terre entière. Sans chambre au trésor et sans grenier, dans ton vide toujours renaissant, tu as représenté pour des gens comme nous le pays tutélaire. Ma vie durant j’ai été un homme infidèle, à cause de ce maudit carnet, mon esprit tourmenteur : Fidèle, je ne le suis resté qu’à toi, pays passager désolé, vide, inépuisable.