Monday, August 31, 2015

Vortex temporum - 1

On avait décidé de ne pas trop boire. L'alcool, finalement, ça nous rendait assez minables. Casser des boîtes aux lettres. Insulter des vieilles. Tous les soirs, quelques cadavres de Vodka et de bière pour finir avachis dans le hall comme des clodos capitalistes qui ont le droit d'être au chaud. On faisait partie des meubles, comme ces ivrognes qui squattent les trottoirs. Des plantes dans le hall arrosées à la Vodka et à la bière. Des lampadaires sur le trottoir qui puent la vinasse et la pisse. On fumait jusqu'au bout des paquets. Momo passait avec quelques grammes de shit. On s'explosait la tronche et on gueulait sur tous ceux qui passaient, surtout sur celle du quatrième avec son petit chien ridicule. Viens, Kiki ! Viens, Kiki ! Laisse ces messieurs tranquilles. Elle tremblait comme une feuille. On n'appelait plus les flics pour nous. Ils savaient qu'on revenait des gardes à vue la rage au ventre et qu'il valait mieux nous supporter quelques minutes tous les soirs plutôt que de se faire choper dans l'escalier.




Marie n'avait pas aimé qu'on la tripote, qu'on lui lèche le cou, qu'on se branle sur sa jupe. Elle avait prévenu son père, le gardien et les flics. On était restés plusieurs heures au poste, et à notre retour, on avait coincé le père dans son garage. Il avait peur. Faites pas de conneries, les gars. On avait pété son rétro et déglingué son pare-choc. C'est con, un pare-choc, ça tombe comme un rien. Pendant un mois, il nous a trouvés dans son garage. C'est à c't'heure-là qu'tu rentres ? T'étais où encore ce soir ? Tu crois que Marie, elle aimerait savoir que tu fais des cochonneries dans son lit avec la p'tite brune qui a toujours une jolie veste violette et qui ne vient que le mardi, quand Marie est chez sa mère ? Vas-y, bouge. On lui ouvrait la porte, on lui filait son courrier qu’on avait piqué dans sa boîte aux lettres, on l'amenait jusqu'à sa porte, il finissait par faire semblant de ne plus nous voir. On est rentrés plusieurs fois pour prendre des bières dans le frigo, regarder les photos dans les cadres, s'asseoir quelques minutes dans les sièges en cuir, picorer quelques cacahuètes. Marie était là. Elle n'osait pas sortir de sa chambre. Elle coupait la radio, éteignait la lumière. Les flics ont fait plusieurs rondes. Ils ont vérifié nos papiers. Le père avait dû les rappeler. On lui a mis quelques claques derrière la tête, on l'a poussé dans l'escalier, il a passé toute une nuit dans sa voiture parce qu'on lui bloquait les portes. C'est con, les portables, ça passe pas dans les garages. Déménagement d'urgence, un lundi. Il pleuvait, on avait rien à foutre. On les a aidés à porter les cartons. Ils sont partis. La p'tite brune qui a toujours une jolie veste violette est revenue plusieurs fois. Elle sonnait à l'interphone et nous, on s'marrait comme des baleines. On n'appelait plus les flics pour nous. Viens, Kiki ! Viens, Kiki ! Laisse ces messieurs tranquilles.

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