Sans amour l'existence est déprimante si vous appréciez le bonheur. Seul l'amour m'arrache, me propulse, me jette hors de moi, petite balle flottant au-dessus des corps pagayant vers l'orgasme, la coulée de lave, le raz-de-marée et puis l'accalmie, le clapotis sur le rivage.
Ils sont mystérieux les nouveaux amants. Des palimpsestes à l'écriture pas encore tout à fait apparue, une langue étrangère charmante dont on rêve le sens en écoutant pâmée la mélodie. Les années passent, on finit par la parler couramment. Elle a perdu ses charmes l'un après l'autre, des mots dénués de tout apparat, nus et crus, sans ces ornements qui les faisaient scintiller. Le mot amour déchu, deux solitudes en vis-a-vis. La table où on soupe n'est plus qu'une auge où l'on ramasse sa nourriture d'une mâchoire avide comme paire de bœufs une harassante journée de travail terminée, le foin de la mangeoire.
Vous trouvez que j'exagère ? Mais oui, l'amour exagère toujours. Quand on le voit arriver, quand on le tient par le col, quand il dure, quand il s'affaisse, s'étiole, pourrit sur pied ou devient sec comme l'amadou. Les amours se ressemblent tout autant que les livres qui pour sublimes ou mauvais qu'ils soient sont faits du même alphabet, de semblable papier, s'affichent sur des écrans de la même technologie.