Passer un jour dans un endroit où une vie s’est inscrite durant des dizaines d’années et laisser la mémoire agir. Assumer. Ne pas reporter. Retrouver un raccourci. Partir. Vite partir. Parce qu’un jour une autre vie s’est montrée. C’était le cumul de plusieurs hasards. L’un était né par hasard. Il avait eu ces parents-là comme il aurait pu en avoir d’autres, ailleurs. L’autre était aussi né par hasard, mais à un autre moment, dans une autre ville. Il avait eu d’autres parents. C’était le cas de tous. Et ce jour-là, quelque chose qui d’abord les avait séparés toute une première partie de vie les réunissait. Quelque chose s’est rencontré. Un hasard. Il a adoré ce moment, mal aimé un autre. Ils se sont liés, mais il a fallu partir. Fuir. Parce que c’était la mort qui tendait les bras. Il n’y avait plus que le café qui circulait dans son corps, jour et nuit. Un autre, encore un autre, était passé par hasard. D’abord parler, puis pleurer, pour la première fois. Poser sa tête contre une épaule attentive. C’est impossible de tout comprendre en une fois. Il faut du temps. Peut-être dix ans. Il lui a donné une clé. C’était la clé de chez lui. Si tu as besoin de prendre un peu recul, viens passer une semaine à la maison. Tu y viens quand tu veux. Quand il voulait... Le jour-même, le lendemain. Il y était allé passer quelques heures, respirer la fraîcheur. Il savait qu’il ne trouverait personne. Il allait juste prendre un peu de recul. Il y avait là un parfum qu’il ne respirait plus depuis de nombreuses années. C’était une partie de lui qu’il avait abandonnée. Parce qu’il n’y croyait plus. Que la vie pouvait à nouveau sentir bon. Il avait signifié sa venue en déposant une petite fleur blanche et un simple Merci. Se retourner. Partir. Franchir une nouvelle porte. Un escalier à descendre. Des boîtes aux lettres à observer, longuement. Une autre porte. La rue. Le cumul de toutes les autres vies. La nécessité d’un retour. C’était encore trop tôt. Il fallait laisser mûrir le projet.