Il l’avait croisé par hasard, à la sortie de la gare. Toujours ce hasard. Il avait l’air de planer, dans son monde. Rien d’important, jamais, mais tout de même des pensées qui l’emportaient, ailleurs, dans son monde à lui. Ah, tiens, oui, pourquoi pas un café, mais il avait pris un jus d’orange et un croissant, quelque chose qui prendrait plus de temps que prévu, mais ça lui allait. Ça lui faisait du bien de juste passer quelques minutes avec lui. Il serait sans doute un peu en retard, d’autant qu’un café, c’était vite avalé, mais un jus d’orange et un croissant, ça voulait dire attendre, ça voulait dire l’attendre. Une donnée parmi d’autres : l’autre n’avait pas vraiment la notion du temps. Un café, c’était juste cinq minutes. Parfois plus. Jusqu’à moins le quart. Ça dépendait de l’heure d’arrivée des trains qui, à cette heure-là, dans ce sens-là, n’étaient pas prioritaires. Les conducteurs avaient ordre d’attendre, de laisser passer. On voyait la banlieue défiler. Paris, dans son nuage de pollution, et tous les matins, une vision du ciel dans lequel il vivait. C’était le plus beau point de vue sur l’aube ou, selon les saisons, le début de toutes les matinées qu’il allait passer en dehors du tumulte de la ville, juste pour le plaisir d’avoir à traverser un bois, sentir qu’il respirait mieux là, se rappeler qu’il avait fait le bon choix.