Tuesday, March 3, 2020

Chroniques de l'invisible - 058

J’étais à deux doigts de penser que quelque chose que je n’avais jamais connu me manquait, et je trouvais cela étrange. Surtout que cela soit presque incompréhensible. S’expliquer ! Je pensais donc : cela me fait du bien, je devrais l’instituer, j’y sens même travailler l’une de mes formes préférées liées au désir. Je pensais aussi : voilà que nous pourrions, ensemble, le faire comme préférant une autre relation. Après tout, ce serait tellement plus romantique. Il y avait de cela au début de ma vie sensible, intellectuellement sensible, de cela qui s’est abandonné et que j’ai retrouvé de temps en temps. C’était la même émotion, le même don de soi, je le voulais pour toute la vie, mais cela s’arrêtait. Ce qu’il fallait élucider, c’était la raison pour laquelle je ressentais une forme d’agressivité une fois confronté à la réalité. Ce n’est pas seulement l’impact que pourrait avoir le réel lorsqu’il surgit dans mon imaginaire. Bien sûr, les troubles sont nombreux. Des vertiges parfois. Une impatience irrationnelle. Un temps qui me semble aller très lentement. Il me sera de plus en plus difficile de m’adapter au format automatique. Cela ne prive pas l’éventualité d’une méthode ou d’une rigueur. Au contraire. Je suis appelé à plus de rigueur, car justement l’automatisme n’a rien à faire au sein du vivant. Pourtant, il est partout intégré, systématiquement, dénaturant chacune de nos fonctions. Mon horizon d’attente est si différemment peuplé que je dois mesurer dans chaque domaine la pertinence d’une émotion devenue active dans le corps textuel. Quand bien même il n’y aurait que cela, je serais satisfait. J’y trouve un accueil permanent, ce même accueil que j’ai senti comme suspendu dans l’air que je respire. Je suis pleinement là où je désirais être. Faire ce choix aujourd’hui n’est certainement pas anodin. Alors, je m’oblige encore, pour la qualité, à plonger dans la matière, combien il est important d’arquer mon attention sur ce qui, se révélant, manifeste merveilleusement. Je pourrais nommer cela « tout le reste » comme si d’un mot contenant tous les autres tout pouvait se dire absolument. Ce sera cette admirable communion qui liera peu à peu les années d’expérience. Je pense donc à ce qui sera dans tout, y compris le réel. Là où tout se renouvelle sans autre option que le bien-être.

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