Friday, March 27, 2020

Chroniques de l'invisible - 082

Avant toutes choses et puisque je n’ai plus à me précipiter pour répondre à la demande étrange qui se formule de plus en plus maladroitement, j’instaure non un rituel mais un ordre que j’aimerais faire correspondre à ce qui maintient en moi une santé morale et mentale. Cela s’active au rythme lent des journées et correspond sans doute à mon goût pour la discipline. Je comprends que celles et ceux qui n’ont pas été éduqués dans ce sens ont besoin toujours qu’on les aide à conserver leur position à l’intérieur d’un corps social qui a, pour une durée non déterminée, été fondamentalement et donc structurellement déplacé. Il n’a ni implosé ni explosé. Il ne s’est pas dissous. Son nouvel état, donc, n’empêche pas les rencontres. Il faudra durant de longues phrases se rappeler ce qui fut dit : que l’on ne révèlerait rien avant d’être véritablement prêts. L’esprit combatif me plaît d’autant que cela correspond à des formes de préparation que je tente depuis longtemps d’élaborer. L’introspection sera peut-être au rendez-vous. Je n’ai pas à être déçu avant l’heure. De toute façon, rien ne se joue en ce moment au-delà de la fiction. J’aurai quelques maladresses, j’imagine. Après la phase des soins urgents vient celle de la rééducation. Puisque je vois ce qui se dégrade presque en direct, je relève de défi. Je pensais à ce que je ne reverrais plus, alors que j’allais voir tout cela différemment. Peut-être même n’aurais-je pas vu ce que j’ai vu. J’imagine que tout cela était prévu comme j’avais pressenti en achetant cet anneau qu’il se briserait. J’avais demandé ce qu’il contenait. On m’avait répondu qu’il aidait les projets personnels d’envergure. En le passant à mon doigt, je savais qu’il aurait une fin et qu’il me le signifierait lui-même. Il s’est brisé ce matin. Ça, c’est le passé. Le véritable passé. Ce que l’on ne raconte à personne. Dans la besace, heureux, partant voyager. La distance est si grande maintenant. Ce sera toujours cela. Non pas chacun pour soi car cela ne m’intéresse pas, mais chacun son style.

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