Sunday, March 22, 2020

Chroniques de l'invisible - 077

Chaque jour donc, et ce qui ne change pas, avant les premiers mots déposés, les micro-fictions qui s’élaborent, toutes légères, éphémères. Je ne les écris pas m’imposant qu’elles évoluent dans leur sphère, irréelle. Il n’y a pas l’importance de les fixer, et je sais qu’elles ne disparaissent pas vraiment. Elles alimentent. Je ris même de voir comme les intrigues se font immédiates, situations hors normes, l’extravagance à l’état pur. Mon esprit désormais exercé enchaîne la série des « laisse tomber », « ne te sens pas obligé », et c’est une incroyable libération. Ça aussi, j’avais coutume de le faire par vagues, presque cycliquement. Que cela revienne là où, justement, j’aurais pu comme bien d’autres me sentir investi d’un rôle me distinguant. Il n’en sera rien. L’inachevé n’a plus la même saveur. Lui aussi a changé de catégorie. Ce nouveau domaine dont la permanence est extatique. Car l’étrange question vient, suspendue, puisque je suis actuellement sans danger, que mes choix m’ont offert cette stabilité-là. Je n’aurai pas l’inquiétude du lendemain d’un point de vue économique. Il n’y a qu’artistiquement que cela me replace devant le gouffre. Avoir cette occasion unique d’interroger la pensée à travers mes seules déterminations. Il y aurait une question centrale, une question de méthode. Pour qu’elle mûrisse, je dois la divertir. Cela ne viendra pas de soi et je sais ce dont j’ai besoin, d’un extrait seulement. Me sentir comme jamais à la naissance de quelque chose. L’idée me traverse l’esprit. La tentation première, surtout avec un outil qui date, est de rester plaqué sur la nécessité d’un lendemain. Ce qui compte, c’est ce qui suit. Il n’y a pas vraiment de niveaux mais une continuelle élaboration. Évidemment, puisqu’il s’agit d’écriture. Je sens bien qu’il y a une sensation nouvelle dans le corps. Paradoxalement comme un assainissement. Ces jours libres, j’en ai eu tant dans ma vie. Ce qui diffère en premier lieu, c’est la présence forte du questionnement. Ce n’est pas une pause, cette fois. Ce n’est pas une déconnexion volontaire. C’est la réplique du même tout à coup. Le même premier jour. Il y en aura comme ceux-là de nombreux, dans l’influence des seuls modes de communication, lorsque je choisis un trouble parmi d’autres. Au cœur, parce que ce sont ces mouvements de la pensée, justement, que je veux inscrire, ce que je juge nécessaire. C’est terrible de s’imaginer avoir oublié cette période. Il n’en restera que cela. La découverte. L’énigme. On pourra tout en dire, ce sera quasiment faux. J’élabore une compétence que je n’avais pas. Cela, c’est devenu nécessaire. Une pratique venue plusieurs années en amont et maintenant, il n’y a que cela. Peut-être que c’est ce que je voulais voir, comment tout en moi pouvait encore se réordonner.

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