Il y a donc ce que je viens déposer là à l’abri des regards indiscrets comme trouvant l’horaire où je serai le moins malmené. Avoir déjà depuis longtemps déconnecté l’écriture de l’événement, ou plutôt de son récit, aide encore mieux à traduire l’émotion qui se dégage, les flux sur une échelle qui va de la générosité au repli. Bien sûr que les signes continuent de se manifester et pendant que j’écoute la manière qu’ils ont d’entrer en fonction dans le quotidien, j’en crée de nouveaux qui « partent » résonner dans des formes que je pensais d’abord innocentes alors qu’elles recevaient déjà des témoignages d’une sorte de sensibilité n’existant pas ailleurs que dans mon environnement proche, au plus proche de moi, de plus en plus proche, ce qui se touche, se regarde, s’entend, y compris les sensations du corps n’ayant jamais connu la terre nouvelle, épurée. Une place pour cette fonction. L’imaginaire ne l’avait pas produit. C’est la vie qui le fait. Je n’avais pas pensé à cela depuis longtemps. Au temps de l’autre. Ces minutes comme des années lorsque je me demande pourquoi certains se doivent de se rappeler à l’existence d’autrui par quelque moyen. Tout est bon à prendre dans ce cas. Y compris le silence. Et les minutes comme des années passent. Le mouvement spontané cède à un autre mouvement plus intérieur. Je n’écoute plus que cela m’ouvrant tant de joie que la douceur qui en résulte se propage partout. Mélodie infinie. À ne plus pouvoir compter, enfin. Libéré de cette donnée. Je vois partout comme la pensée se mobilise. Désormais, l’association n’a plus de mystère. Elle est entière. Sans nul doute entièrement bénéfique. Je n’ai pas peur de le constater. Je vois aussi, et ça je le répète sans me lasser, combien des jours comme celui-ci se préparent plusieurs mois voire plusieurs années en amont, car il faut être prêt, armé. Ce que j’ai et qui m’appartient réellement, ne dépend de rien d’autre. Dès lors, il n’y a plus de conflit. Toutes les figures qui s’animent délimitent l’espace de création. Il est devenu si vaste qu’il n’est que fruits à récolter. Je me souviens des périodes que je m’accordais, à l’intérieur desquelles je ne faisais que douter. Maintenant, c’est l’irrationnel à l’état pur. Quelque élément nous a jeté dedans sans prévenir. L’attentat du vivant. Ce pourrait être le titre. On se croit toujours surhomme avec une ceinture d’explosifs en plein cœur d’un marché, sans prendre en compte qu’en réalité, on n’est que conséquence du vivant. Évidemment que c’est l’écriture à venir qui se joue participant à l’élaboration de ce qui nous tient d’universel. On en parle théoriquement, du point de non-retour, mais quand on y est vraiment, quand on l’a franchi et qu’il n’y a que nous pour le dire parce que nous avons les moyens de le dire. C’est une ivresse de l’instant. Jadis, nous devions nous terrer, mais maintenant, c’est sur la place publique, disponible. J’avais adoré que ce soit une conversation, mais puisqu’il en est ainsi, j’opère en direct. « Docteur des âmes ». C’est l’unique solution. J’ai besoin de ce froid qui gagne le corps.
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