Cela fait un bien fou de sentir le corps textuel se transformer au rythme du vivant intégré ou en partie réanimé. La perception du monde s’en retrouve presque renversée. Le roman est là, dans l’avant tout. Je dispose des caractères hurlant leur propre effroi. Ils sont bloqués dans l’antre de la haine. Je n’ai jamais fait cela. D’abord, dans le flux continu pour que surgisse la suite telle qu’elle doit exister. Ce n’est pas que je change de méthode. Je veux aller au bout de cet outil-là, ne pas le négliger, continuer de l’accompagner de tout ce que je découvre en moi, me voyant faire le tour du domaine comme un châtelain fier de ce qu’il a réalisé. Tous les regards portés signent la différence. Je vois les vies libres et les vies empêchées ne cédant à aucune tentation, ne s’autorisant aucune aventure. Pour la première fois de ma vie, je sens ce privilège. C’est le don de tout ce que j’ai construit. C’était pour en être là et entrer dans mes passions sans aucune modération. Ce n’aurait été qu’une partie de moi et je me serais précipité dans l’angoisse. Or, ce que je veux écrire maintenant, c’est l’angoisse des autres.
---