Saturday, April 18, 2020

Chroniques de l'invisible - 104

Le pire serait de ne pas avoir envie de découvrir la part magique de l’autre. Ce serait là que des formes passionnelles s’arrêteraient. Comme ça. Pour cette raison. L’étincelle qui s’illumine avec si peu de moyens. Lorsqu’on ne le fait pas, et lorsqu’on fait en sorte que tout se terre dans le non-dit, on maltraite. Des milliards d’idées surviennent qui toutes pourraient résoudre. Mais à nouveau : que le livre. Le même mot. « L’essentiel instant qui étincelle ». Admirable rencontre. Cela s’est fabriqué depuis « les mystères sont des monstres patients », tout ce qui m’a conduit à découvrir qu’on pouvait vivre libre dans un état de pureté grâce aux mots que l’on inscrit sur une page, au fil des pages. Je n’ai pas peur de répéter encore ce que cela provoque, ce bouleversement, de se sentir à toujours accompagné. C’est certainement grâce à cela que les événements du quotidien, les autres, n’arrivent pas à prendre de la place, comme s’ils ne le méritaient pas. Ils ne sont pas à la hauteur, dans la pensée, pas au niveau qu’il faut pour exister. Eux aussi bouleversent également (je ne suis pas insensible au vivant permanent), mais ils bouleversent parce que je viens d’écrire ceci, de lire cela. Leur sensibilité est rendue possible et je ne saurai jamais si j’aurais été différent sans ces mots dits ou ces mots lus (ce sont parfois tellement souvent les mêmes), je sais que la vie est telle que je la ressens parce que j’ai choisi de la ressentir à travers cela, pour vivre à l’intérieur des mots, incarner le mystère qui circule sans commencer par « il faisait beau ce matin-là ». D’ailleurs, il pleuvait. Le passé, on peut toujours admirablement le raconter, les lumières, les parfums, la rumeur qui gronde, les angoisses partout dans le corps, y compris dans celui qui se croit le plus fort, angoisses de ne jamais savoir comment faire lorsque s’adresse la simplicité d’un sourire, lorsque l’énergie s’infiltre dans les failles pour faire s’effondrer l’édifice, voler au temps les minutes essentielles. Moi, je suis là. Je n’ai pas d’horaire à respecter dans ces moments-là. Il n’y a qu’un devoir, celui d’être présent, dans l’écriture de ce qui arrive vraiment, regardant fuir les regards devant l’insaisissable. J’adore me dire qu’il s’est suffisamment passé de micro-réalités que le lendemain prévisible puisse être entièrement transformé dès maintenant, dès le désir qui s’installe dans les fissures. Merveilleuse harmonie.

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