Sunday, May 31, 2020

Chroniques de l'invisible - 147

Ce que je pourrais aussi faire, ne sortant plus de là, limitant peu à peu les accès, c’est désormais ne plus faire qu’évoquer, un peu pour agacer, agacer le lecteur que je suis revenu à lui-même vérifier comment le génie de l’écriture s’exprime lorsqu’il a carte blanche. Super. De la chair poétique faite de troubles et de pauvres éclairs d’un récit avorté pour en faire matière à toutes mes cruautés, pour voir un peu de sang couler, le sang des hommes et des symboles, celui qui ferait vivre s’il était dans un vrai corps, qui lie le monde dans le corps textuel. Ce n’est pas cruel de vouloir voir couler le sang, de vouloir reprendre les épées symboliques, de vouloir être le héros qui. Et encore, je ménage beaucoup pour l’instant comme pour pré-justifier. J’aurais presque peur qu’on me dise dérangé. Alors j’ajoute du symbole partout. C’est que je cherche ce qui fait mythe aujourd’hui, c’est ce Graal qui me mobilise. C’est pour cela que j’insiste. Il ne s’agit pas d’inventer mais de ressentir et de transposer. Ce qui vient de se passer, si brutal, constitue la scène inaugurale. Tout cela se préparait. L’histoire d’un QG bien protégé, de ce moment où il a fallu rappeler les troupes pour s’acharner, continuer, prendre suffisamment de recul. Cela ne se traduit pas en quelques jours. Ce sont des mois et des mois avant de revenir sur le terrain des hostilités et ce sera terrible : plus d’alliés. Seul sur une terre désolée. La terre de la littérature. Je prends cette option pour quelque temps en retournant à une source. Cela aussi, je veux l’écrire, lorsque je viens bêcher, me confronter à une forme inconnue, lui donner vie à travers ce que je suis devenu, ne prêtant plus aucune attention aux délires sociétaux. S’accompagner de joue dans cette démarche témoigne que je désire provoquer un changement. C’est si bon de se le voir confirmer, signifier. Si c’est l’énergie fondamentale, alors elle encadre un labeur que je suis prêt à assumer. Passer par là. Je n’avais pas vraiment effleuré, mais il y avait d’autres urgences. Et puis, il y a cette attitude que j’aimerais combattre, cette expression de la fatigue, cette manière de ne pas conduire réellement tout le temps. Ce qui me plait à cet endroit-là, c’est que tout semble possible. Croiser. Entrechoquer. Les phrases se balancent autant dans l’air que sur la page. J’avais dit « lune triste ». Il faudra s’en souvenir. Un immense paradoxe qui ne colle pas avec la réalité.

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