Saturday, May 2, 2020

Chroniques de l'invisible - 118

La douleur continue de circuler. Elle apparaît par barres ou par pointes, possiblement sur chaque os, dans chaque muscle. J’ai pensé : encore ce poison. Impossible. Personne pour l’administrer. Et puis, peu à peu, comme une sensation de pureté, des sensibilités mieux éveillées, au goût de mon propre corps, à certains parfums, sans parler des complicités au réseau infini avec chaque être vivant. Me voici donc, en effet, en train de composer en direct. Aux commandes. Je n’ai pas le devoir de correspondre et je me fiche qu’on sache qui je cite, voire, ce que j’ai lu. Au pire, j’inventerai. Je n’imagine pas que quelqu’un ira vérifier quoi que ce soit. Et puis, il y a cette place dont je ne sais quoi faire. La place du témoin-complice. Si j’y suis, je suis le monstre. Si je le garde près de moi et que je ne l’accuse pas, je suis le monstre. Ce n’est pas pour rien que je suis allé dans les impasses du labyrinthe hier. Là où les options se sont figées dans le temps pour être étudiées plus tard. Je vais passer par la peau, pour comprendre, par ce territoire frontière, et tout fondre en moi avant l’épreuve d’un autre livre. Tout cela se lit. C’est ce qui se passe avant. On ne parle pas assez de la manière avec laquelle le langage peut se disloquer lorsqu’il n’y a plus de contact réel entre les êtres. En peu de temps, nous ne parlons plus la même langue. La traduction peut même s’avérer impossible. Ne pas faire semblant que cela existe ou que cela peut arriver, à tout moment. Déconnecté du joug de son environnement, la langue-mère se libère. Elle prend son autonomie. Cet univers-là, personne n’en fait le relevé. Donc, oui, ce qui se passe avant. Je suis conscient que c’est le processus à l’œuvre.

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