Friday, May 29, 2020

Chroniques de l'invisible - 145

C’est pour cette raison que les focalisations traînent de jour en jour. Des séries de constats. C’est en effet la même personne, qui nous arrange bien. Comme ça, on a toujours quelque chose à dire à son sujet. Parce que, vous comprenez, sinon, je n’ai rien à dire. Quand il n’y a rien à faire, rien à produire, rien à servir, et qu’il faut juste tenter de passer du temps ensemble pour une autre raison que le salaire ou l’obligation conjugale. Ils ne sont pas si nombreux les gens qui se supporteraient pour rien ou pas grand-chose. Alors, un jour, ne plus rien pouvoir se dire. On échange des photos. Je préfèrerais qu’on s’appelle de temps en temps. On se raconterait les moments importants. Mais ce n’est pas possible. C’est rompu. Brisé. Il n’y a plus que l’étrange énergie qui propulse, surprend. Symboliquement d’abord. Chaque fois que je me retrouve devant la tentation, je pense que je ne suis pas à l’endroit où je devrais être. Une nouveauté stimulerait sans doute. Puis, c’est l’ancien qui revient dominer. Tout ce qui est disponible peut tourner. J’ai vu le regard de celui qui est venu me tourmenter. Sa force est extraordinaire. Je savais qu’il reviendrait, qu’il m’appellerait. Je sais aussi qu’il fera comme il a toujours fait : fuir avant d’accepter de traiter le sujet. C’est exceptionnel cette manière de faire. Elle me fige des heures dans les errements de la fiction jusqu’à une sorte de rappel à l’ordre. Au fait. Venons-en au fait. Avec exactitude. J’aurais bien voulu voir me tête si j’étais tombé sur une autre représentation. Il faut donc des heures. C’est le même et je ne l’avais pas vu. Le truc qui me somme de me concentrer un peu. OK, c’est un « je » complexe, articulé, composé, à l’intérieur duquel je dois me rappeler en permanence que si je suis tombé dedans c’était avant tout pour ne pas être identifié si facilement. Il fallait apprendre et apprendre n’est pas ce que je juge être ma plus grande capacité. Ça résiste. La sensibilité constamment préférée fait que la définition ne reste pas. Je ne peux pas la sortir dans les dîners. Je reste stupide. L’aveu stérile : je ne sais pas. Je ne crains pas les milliers d’heures que j’y passerai. Si je reste dans cette perspective que ce qui est en suspens, justement, ne dépend pas d’une inscription quelconque qui pourrait avoir à voir avec ce qui est attendu. Je dois inclure l’effet de cette sorte de surprise. Les interlocuteurs pourquoi cela arrive sous cette forme. Je viens de comprendre ! Ah ben pas trop tôt ! Il fallait le temps que ça monte au cerveau. On veut toujours glisser. Peu importe si on est le premier. Ce qui compte dans ce cas, c’est l’impact que l’on pourrait avoir. Cela excite absolument. Je peux le faire. Construire ou détruire. Ma simple volonté, alors que rien ne dépend de cela. Tout pourrait continuer sans moi. C’est une donnée fondamentale de ne pas se croire incontournable. Jeu de dupe. Je suis revenu en arrière et pour la première fois, je me suis dit que tout cela ne valait pas pour moi. C’était important de le formuler. La trace que je laisse n’a besoin de rien d’autre. C’est une autre période de ma vie. Cela ne fonctionne plus de la même manière. Il fut un temps où il était nécessaire de coller le déroulé de la pensée à l’œuvre.

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