Saturday, May 23, 2020

Chroniques de l'invisible - 139

Comme une première partie. Des images de l’ancien temps. D’abord ce hasard dans le flux du désir d’en revoir un particulièrement, un enfant clairvoyant. C’est lui qui m’a trouvé, puis un lien avec ce jour où j’ai été plongé dans la source. Ma sensibilité avait été suffisamment éveillée pour je n’aie pas besoin d’y mettre toutes les croyances et tout le folklore. Un point essentiel que celui qui se croit maître ne peut ni voir ni comprendre. Cela n’avait rien à voir avec lui. C’était à cause de ses dépendances. Je ne sais pas pourquoi je hais les dépendances. Ou plutôt, je devine assez vite quand les personnes en sont infestées et je m’en détourne assez vite. Comme un rituel. Ils ne peuvent plus faire autrement. Pas forcément chaque jour, mais chaque fois. Tout doit être pareil, revenir au même. Il m’avait dit tu verras je t’emmènerai découvrir les secrets. J’avais imaginé une forêt. Je n’ai pas attendu le Messie pour trouver les secrets dans les forêts. Je suis reconnaissant bien évidemment qu’on ait travaillé ensemble à l’établissement de quelques renforts faisant que cette route nouvellement empruntée était de plus en plus solide, sauf que ce n’était pas pour moi pour aller d’une dépendance à une autre, au contraire. C’était pour délier la pensée. Déjà, il n’y avait que cela qui m’intéressait, le retrouver partout dans les mots. On était à deux doigts du sacrifice de poulets. Et puis, il y avait ce paradoxe de l’intime. Tout devenait inévitablement concret alors que je voulais explorer l’imaginaire. Ce n’est pas que cela me suffisait, et ce n’est pas un manque de courage, parce qu’il en faut du courage pour vivre dans l’imaginaire, voir que rien ne tient plus de quelques jours maximum, qu’il faut toujours produire et ne jamais lâcher. Jusqu’à trouver le cœur de l’œuvre, cette sorte d’aristocratie qui ne dit pas son nom, grand palais, donc, avec des espaces qui ne servent que pour les grandes occasions, et l’hiver tout le monde reclus dans un deux pièces cuisine. On a tous sa marotte. La mienne a son petit caractère. Elle disparaît des mois entiers et un matin elle est là assise à son bureau comme si l’habitude n’avais jamais été rompue, criant des ordres, imposant qu’elle devienne le sujet incontournable avec ce petit air de « tu plaisantes » lorsque je lui dis que j’ai bientôt fini et en trois coups de stylo sur une feuille de brouillon je signe à nouveau pour dix ans. J’en suis plutôt consentant. Disons que j’aime autant quand elle est là que les périodes où elle me laisse tranquille. On ne refera pas l’histoire de toute façon. C’était avant, la première en quelque sorte, celle qui a permis que tout arrive. Une vie qui me satisfait amplement. Ce n’est pas pour me justifier mais c’est tout sauf une dépendance. Un accompagnement, une entraide. Quand elle est là nous sommes côte à côte, elle a travers moi et moi à travers elle. « Faire sien de soi », faire que d’une tentation collective d’être comme tous avec tous j’aboutisse à un objet personnel de recherche permanente. Si c’est ce qui m’est offert actuellement, je le prends. Je prends tout.

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