Wednesday, May 27, 2020

Chroniques de l'invisible - 143

Émotion si forte face à ce « je » habité contenant force et mystère. Beaucoup de ce que je suis et beaucoup de ce qui m’a composé. En cela, je ne considère plus qu’il y aurait une frontière, des cases, des différences. La tension intellectuelle voire morale est très présente au cœur d’un non-sens, d’une implication sans repos. Parce qu’il y a, de ce fait, une liberté. Je peux paraître autrement, pas seulement comme il semble que je suis réellement. Paraître ou apparaître d’ailleurs. Surgir d’un coin inattendu de l’imaginaire désormais seul univers. C’est dans cet espace que la fantaisie peut s’inventer. Après tout, c’est bien moi le héros de l’histoire et si je veux m’attribuer des compétences supplémentaires, je n’ai qu’à l’écrire. Cela s’imposera à tout. Dans cet entre-deux où je ne sais pas encore si je profite ou si je subis, il est nécessaire que l’esprit agisse pour se divertir sinon il risque de tomber dans la routine de l’inutile. Je ne dois pas manquer cette occasion d’envisager l’illimité dans cette manière d’aborder un autre regard, lorsque s’épuise le lien mortifère qui m’unit à ce qui, au fond, me fait étrangement peur. Je ne sais pas si c’est cyclique. Je suis suffisamment attaché à l’émotion première pour ne pas la laisser échapper. Drôle de voie en effet que celle-ci. Je pourrais continuer à l’étudier, lui donner un sens, une signification strictement personnelle. Comme : donner accès. Se voile l’essentiel, mais c’est pour l’autre. Ce n’est pas pour moi. Et ce n’est pas une soumission cette fois-ci, l’autre étant ou pouvant être tout autant l’œuvre que l’objectif. Je ne dois pas feindre quand cela hésite, quand cela tangue. Des données nouvelles viennent interférer. Ce pourrait être l’état pur. Tout le reste me semble extraordinairement loin dans le temps même si pour conclure j’aimerais m’orienter vers une cohérence. J’aime comme cela envahit, comme cela singularise. La cohérence, ce serait d’être dans le palais, d’y être pour longtemps, et de ne pas attendre pour m’élever. Ce ne sont pas des conditions matérielles qui me retiennent ici. C’est le désir, le désir de ne pas avoir d’autre choix. Je veux réussir à me défaire de cela, d’un quotidien de la misère, lorsqu’il n’y a plus que quelques heures, lorsque les mots s’espacent, lorsque les minutes filent, lorsque j’entends d’autres phrases à la place de celles que j’écris, dans une sphère supérieure de la conscience. « Vous savez », « Excusez-moi de vous interrompre », « Je ne sais pas si vous réalisez », « C’était, tout à coup, plus rien, sans être un attentat, mais plus rien tout de même, et aucune parole l’accompagnant, personne pour dire ce qui était en train d’arriver. » Je m’entraîne. Il faudra justifier. Encore, justifier. Que je n’ai pas cédé, que je n’ai pas plié, que je ne me suis pas précipité sur la solution de remplacement, car pour moi rien ne remplace. Pour moi. Rien ne remplace. Un jour, nous pourrions avoir une réelle conversation à ce sujet. Se dire une bonne fois pour toutes pourquoi nous ne sommes pas d’accord. Pourquoi nous ne sommes jamais d’accord.

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