Wednesday, February 19, 2020

Chroniques de l'invisible - 045

Ainsi, attendre que cela revienne plutôt que d’y revenir chaque fois d’une manière systématique. Je n’ai aucun doute que cette méthode (que j’appelle première) aura l’effet cataclysmique d’un exorcisme. Je le sens aussi sur la légèreté de la peau. Et ce qui se raconte, cette sorte permanente du récit d’une autre fois, la fois manquée, où le niveau se serait comme défini seul, sans lendemain, tel que je l’ai dans le corps depuis le plus jeune âge, de pouvoir le réaliser uniquement dans le but de s’habiter, d’écrire le livre de l’en-soi que je n’ai jamais lu, ouvrant la première page, si merveilleuse, au cœur de l’œuvre. Ce n’était donc plus un trouble et je voyais partout plus clairement. Le paysage d’abord, comme un arrière-fond. Je n’allais plus rien chasser de l’esprit. Au contraire, accueillir. Comme tout cela viendrait, sans y vouloir progresser hâtivement. Cela signifiait que de nombreux éléments allaient être traités. Je ne les connaissais pas encore. J’avais mis en place cette disponibilité. Il est vrai qu’il y avait des différences auxquelles je ne voulais pas rester confronté tel que le mal-être d’un autre pouvait m’imposer. Mieux voir, tout d’un coup, cette disposition que j’aurais à prendre en compte, ne me laissant aucun choix. Sauf que l’expérience avait eu ceci d’efficace dans ma vie que j’avais vu comment la scène avait été préparée pour me faire croire, en quelque sorte, que le quotidien était devenu insupportable. Il n’y a plus personne qui a le pouvoir sur ces sortes de dérives, et je me dis : « Au fond (j’aime tellement cette ponctuation), ce serait partager l’inaudible ». Cette puissante résistance à laquelle j’ai répondu par la permanente introspection. C’est ainsi que je considère la forme que j’espère puissante dans ce qu’elle pourra m’apporter. Ce n’est pas une volontaire solitude car le monde dans lequel j’évolue est sensiblement peuplé. J’ai juste fait ce choix, lorsqu’il s’est présenté, de ne rien montrer de ce qui occupe en continu, et je suis convaincu qu’il fallait non jeter mais reléguer les formules obsessionnelles. Ce serait si facile que tout soit dévoilé. J’aurais sans doute sacrifié la part de ce que j’apprécie le plus, ce corps sublime venu jusqu’à moi. Grâce à tout ce que j’avais modifié, il a été parfait et je le sens encore dans l’air que je respire. Jusqu’à ce jour, je n’avais jamais réussi à parler du passé récent. Je ne voulais pas que les phrases ponctuées par des dates me racontent mes journées. L’objectif était tout autre, en dehors du texte, pour le réel. À l’instant où je pense, je mesure à quel point il avait été essentiel d’agir comme j’ai agi. S’il n’en reste que cette trace, ce sera peut-être le plus beau, d’avoir été celui qui domine ses pulsions pour ne jamais détruire, oui, pour plaire, mais pour cette magie permanente qu’est la vie. Tout se met en mouvement alors, même la sensibilité, dans une salle presque vide, il n’y a plus grand monde, de la fatigue sur les corps continuant de danser. Ce qui ne s’oubliera jamais grâce aux traces que je laisse, partout, sans compter. L’essentiel, c’était ce que je voulais être pour telle ou telle personne. C’est exactement ce qui est arrivé. Et ce que je n’ai pas pu vivre à ce moment-là, je le vis maintenant. C’est la même sensation, j’en suis convaincu. Célébration du vivant de l’être. Une place pour l’ivresse. Je m’attendais qu’à ce stade, les correspondances m’ordonnent de suivre une voie plus qu’une autre. Je respire l’espace libéré. Je pense aux périodes. Seule la mémoire dictera. Pour l’heure, c’est la nature qui envahit, le vent frais, le parfum des troncs. Comme j’apprécie à quel point je me suis détaché des pièges que le réel me tendait. Je pourrais refaire l’histoire et me voir prisonnier des angoisses d’autrui. Alors, c’est cela, l’enfant qui toute sa vie se sentira abandonné. Je n’y peux rien et je n’en veux à personne. C’est un fait de début de vie. Aucun lien avec personne. Les jours et les nuits livrés au marasme de la conscience. Devenu l’enfant-roi grâce à tout cela, l’exception, la rareté. Tout allait me sourire. C’était écrit. Le héros avançant à qui on allait dire son destin. Je ne saurai jamais ce que j’ai refusé de dire de cela, car tout est jeté. Je n’ai rien gardé. Maintenant, il est vrai que je peux en jouer. Ce sera toujours la même histoire. Le même début. Autant s’amuser avec. Sans hésiter. Tout cela a dû être terrible le jour où je suis entré dans ce processus. C’était la révélation en direct. Rien à dire. Ce qui s’applique absolument. Cela fait partie de ce qui fut vécu. Je revois le chassé-croisé, la même technique d’empoisonnement. Allons bon. Je savais qu’un jour tout cela finirait. Cela ne pouvait pas tenir. En dehors de l’icône. L’épouvantable tristesse de ce qui recommence chaque fois. C’est tout ce que je revois défiler, saturation du pire, celui que j’étais devenu, simplement, observant. J’y travaillais le goût subtil. Je vous laisse là où vous en êtes, de vos travers. Je n’ai qu’un désir : ouvrir ma propre voie pour m’y sentir prospérer.

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