Il a fallu extraire dans la matière. L’erreur est de s’être laissé dépasser. Cela ne dure pas très longtemps. C’est tout de même très émouvant. La terre, exactement comme elle est. Aucun filtre. J’interviens uniquement pour quelques ajouts. De temps en temps. Pas grand-chose. Des petits rappels. Oui, ça parle encore, ça tape aux portes, la situation n’est pas réglée, il y a des enfances sacrifiées, des motifs qui ne peuvent pas se taire, qui reviendront parce qu’ils marquent la peau, provoquent des images qui ne font que rapporter à chaque fois ce qui fut insupportable de voir ou d’entendre. Des phrases complémentaires, en quelque sorte. Ce serait une mauvaise question que d’en interroger la manière. La preuve est là, sous mes yeux. Je laisse tout cela s’exprimer, sans effort particulier parce que je sais où tout cela me conduit. Retraverser. L’intolérable. Tenter la version qui s’approche, mais on ne s’approche pas, ou alors on s’approche avec pudeur là où il n’y en avait aucune. Ce qui se déroule est ce que je m’autorise, un double regard, comme avec la question de la courbe, si actuelle. Ça se resserre. Je dois dire que j’étais particulièrement touché que cela coordonne ici aussi. Ici, dans mon laboratoire, lorsque je sors de cet « au jour le jour », pour travailler le style. Bien sûr qu’il n’allait pas y avoir ce qui a échappé. Amputé. Nécessité de tout recomposer, à partir de sensations premières. Les plus importantes préoccupations, reléguées dans le corps. Elles reviennent. Cela signifie que l’outil, quand il a été mis à l’épreuve avec ce qui s’accumulait s’agissant des obligations, a tenu. La seule faille que je redoutais de revoir défiler ne fait rien d’autre qu’interpeler. C’était au moment où je détournais, si rapidement, que je ne voulais rien oublier de cet impact, d’avoir en si peu de temps fait un tout autre portrait que celui qu’on lisait dans le dossier criminel. Ce n’était pas la bonne personne, encore une fois, qu’on nommait responsable. Et sans surprise la victime n’était pas entendue.
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