Une telle préparation n’est pas sans prévenir un événement tragique. J’ai encore quelques détails à régler, mais globalement, je suis prêt. Dans d’autres temps, j’aurais à nouveau convoqué le passé, comme thème lancinant. Et s’il n’y avait pas eu cette capacité que j’exploite pour garantir une forme de permanence, j’aurais plongé vers l’incomparable piège que je ne nomme pas parce qu’il est construction de l’esprit. J’ai à ce sujet tant à dire que cela me sert à projeter dans l’avenir une incessante énergie liée sans scrupule aux écritures en cours. Car il n’y aura jamais de meilleure procédure pour rendre effective l’accusation qu’une auto-accusation. C’est le choix à faire lorsque l’on voudrait que l’on nous « rende justice », lorsque l’on accepterait le résumé et le récépissé, voire la condamnation, trois cinq ou douze ans, avec ou sans sursis, on s’en convainc, on s’en contente, mais le temps que nous aurions passé à élaborer, peu à peu, un moyen de stopper le crime, nous l’avons passé en colère alors que là, le criminel se reconnaît, le criminel s’accuse. Le décor est le même. Rien n’a changé. Et je constate. L’effroi. La peur que tout soit dévasté. Que les questions soient trop pénibles. Je ne m’encombre plus. Droit au but. Et que vois-je ? Que je n’étais pas parti. Tout ce temps seul, semblant ne pas vouloir m’y confronter à nouveau. La pression. Je viens pourtant là pour cela depuis longtemps déjà. Mais la pression était trop forte. Alors, j’étais resté. Sans m’en rendre compte. Amputé. Cette part que je retrouve a été protégée. Je l’avais protégée. Et tout se confondait. Je ne comprenais pas ni combien ni à qui je devais. Il fallait cela. L’aventure. Le sketch. La totale. Quel que soit ce qui se décide. Entrer bêtement en routine où chaque fois se répète. Le même scénario, les mêmes mots, le même ordre. Tout semble normal. Ce qu’on dira quand ce sera fini. La larme à l’œil. Un passé qui s’écrit lentement, au fil des lignes. On pensait que ce serait facile de tout remettre en ordre. Mais je l’ai déterminé aujourd’hui. En fait, je viens de le décider. Le caractère d’urgence est comme le libéralisme. Comme tous les aspects qui accompagnent les aspects dits économiques. Ce n’est pas utile. Ce n’est pas à prendre en compte. Je suis encore plus ancré dans l’actualité avec cette manière de procéder. Et quand on vient mettre en cause ce fonctionnement, les phrases sont toutes prêtes, la vie vient de prouver le contraire, l’argument tombe faisant trembler les convictions. Cela prouve par A + B, l’errance ou l’instabilité acceptée comme variable d’ajustement. Je savais que je serais tenté. C’est marqué « mois d’avril », les années revenant de plein fouet, « lâche tout, c’est trop difficile », mais la conscience surgit. Non, je ne lâche pas et surtout, je sais, que c’est un préjudice, que tout ne se fait, as scheduled, parce qu’on serait systématiquement attiré par notre propension à tout vouloir détruire ce que nous créerions en pleine capacité de nos moyens. Mais nous ne sommes plus aux préhistoires. Ce qui s’est placé connaît son mode d’efficacité, plonger dans un courant minoritaire, s’y installer dans la durée, faire preuve d’initiative puis se taire et laisser faire. Je n’ai que faire de ce qu’on en pense, de ce qui se dit, le mouvement a pris forme depuis si longtemps que l’avis ponctuel n’a qu’à voir avec le ponctuel. Or, le ponctuel. Bien sûr. C’est ce que l’on voit sur un instantané de type photographique. On y compare des bonheurs, des bien-être, mais cela se termine tout de même par : « qu’est-ce qu’il y a à la télé ? » ou, de manière plus subtile : « on fait quoi pour remplir ? », ce vide atroce, cette absence de repères. Je ne fais pas que continuer les conversations qui jalonnent la réalité. Celles-ci sont réellement à l’œuvre. Elles continuent mais ne sont pas sujet de l’écrit. Encore une fois, à cause du passé. Ce serait formidable de dire qui on a rencontré, ce qui s’est dit, quelles étaient nos paroles. Sauf qu’ici se travaille le non-dit, la stratégie. Il faudrait se déposséder des conventions. On ne sait pas. On n’ose pas. On croit même que de n’y être pour personne revalorisera notre fonction dans la société. On aurait tout à coup un rôle. Direct à la télé. Des millions. Des millions. C’est foutu. C’est raté. La stratégie ne se montre pas. Cul nu devant tout le monde. C’est la fessée. On se montre dandinant et un seul viendrait révolutionner le monde. Pour devenir un parmi tant d’autres. Comme tout le monde.
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