Comme nous aurions oublié. De nous retrouver. La parole des si nombreux silences. Après tant de jours, isolés. Des lieux qui là seraient datés, montreraient ce que nous serions sur l’instant. D’autres, en report, pour endeuiller. Avec, toujours, en paysage de fond, maintenant qu’il y a suffisamment de choix, ce qui manque, vraiment, au moment où il faudrait s’y remettre. Insensée. Aux idées folles. Envahissantes. D’une rencontre. Dans la pensée. Des êtres encore immatériels. Ils ne sont plus d’actualité. Pas seulement morts. Pas toujours. Physiquement. Dans la virtualité. Si présents. Venant révéler la pression qui se joue au quotidien. Venu effleurer la beauté. Dans un monde assumé de sensibilités diverses, laissant pourrir, ce qui n’est utile qu’à des vies que nous ne souhaitons voir se développer qu’en marge des écritures, nourrissant l’émotion désolée, un besoin d’en lire les manifestations, telles qu’elles sont, publiques, non plus dans l’expression des corps incarnés mais dans celle des corps textuels, seul objet d’une unique conquête, repoussant, quand peu à peu s’installe un avenir qui ne serait accessible à personne d’autre qu’un lecteur inventé, toujours, mesurant les tensions d’un ensemble de personnages.
Monday, May 28, 2018
Tuesday, May 22, 2018
[NO WAY] - 1
Je n’ai jamais su dessiner. Alors, j’écris. Quand je coloriais, je débordais. J’avais peur. Alors j’écris. Au moins, la fleur est exactement là où il faut sur le papier. Je n’ai pas besoin d’y mettre un soleil pour signifier l’admirable couleur du ciel. Je peux faire le portrait d’un personnage sans qu’on le confonde avec une quelconque animal et le nommer comme je l’entends, lui offrir le plus beau des châteaux, mettre face à lui le plus beau des paysages. C’est exactement cela. Tout devient beau. Je m’étais imaginé un jour que je me mettrais à feuilleter tout cela comme on regarde une série d’esquisses, mais j’y ai vu un nouveau roman. J’ai vu, plutôt, comment de l’idée d’un roman j’étais parvenu à en concevoir plusieurs, comment les chemins s’étaient dévoilés tel que je l’avais rêvé, en écrivant. J’avais conçu, ou plutôt, retrouvé, ma « source inépuisable », elle avait comme longtemps dormi. Il avait suffi de s’y joindre. Tout s’était à nouveau mis en mouvement. Je ne saurai jamais pourquoi tout ce temps était nécessaire. Je ne m’autorisais pas, sans doute. Et maintenant, je sais qu’il n’y aura jamais rien de rigoureusement identique à ce qui est là. Ce sont les dernières pages. Je pense à celles que j’ai saccagées. Il fallait essayer. Il fallait commencer, s’égarer, se laisser emporter. Ah ça oui, je l’ai transporté, partout, puis je l’ai oublié sur une étagère, puis je l’ai repris, tant de fois. Je m’étais promis de le recommencer mais ce ne sera pas possible. J’ai fait des kilomètres à pied dans le froid avant de m’en rendre réellement compte.
Friday, May 18, 2018
[NO WAY] - 23
Enfin entièrement déshabillés, allongés l’un contre l’autre, face au spectacle de la beauté d’une intimité partagée, ne cessant de se caresser le long des corps, ils n’arrêtaient plus de se regarder et Eric, avec cette merveilleuse timidité qui le caractérisait si bellement, se disait déjà qu’il n’était peut-être pas nécessaire d’aller plus loin. Cette beauté-là lui suffisait. C’était la première fois qu’il voyait de si près un corps d’homme nu et il s’étonnait de chercher quelle partie il allait à nouveau embrasser pour à la fois raviver un désir qu’il sentait pouvoir assouvir et déclencher en l’autre le plaisir d’être touché. Il ne se souvenait déjà plus combien de temps s’était écoulé entre le moment où il avait accepté une première caresse sur son bras et celui où il s’était retrouvé n’en pouvant plus de porter ses vêtements et de devoir attendre de n’avoir plus qu’à se frotter le long d’un autre corps. C’est pourtant lui qui, le premier, avait ôté son t-shirt voulant initier une phase de dénudement qu’il ne pourrait sans doute plus freiner. Il voulait sentir l’effet que provoquerait la sensation d’une nouvelle peau sur la sienne. Après quelques baisers dont la cadence s’intensifiait, il avait retiré le t-shirt de son amant et s’était jeté sur sa poitrine pour l’embrasser.
Monday, May 14, 2018
[NO WAY] - 14
Il faudrait sortir de l’inertie, quand la fatigue semble gagner, quand plus rien ne se fait concrètement, à cause de la diversité, de la multiplication des moyens d’expression, là où nous pouvons crier, là où nous voulons rassembler, là où nous pourrions nous distinguer. Ce que dirait un style désormais bien identifié, dans l’amalgame de certaines allusions, dans le débat politique, inscrit, pour dire la puissance d’une énergie collective, quand l’auteur est le seul à tout identifier, dans son entourage, oui, le sien, ni donc celui d’un autre, ni celui de tant d’autres, le sien, où il est le plus grand spécialiste, l’expert, pour utiliser les mots d’aujourd’hui, les mots nécessaires pour admettre, la question de la légitimité, quand l’essentiel ne devient plus d’être lus, mais bien d’écrire, tellement de temps disponible pour ne plus rien faire d’autre, quand on n’attend rien de quiconque, quand se dessine une nouvelle loi, à confondre les sensations, pauvres, indissociables, les regards qui se portent, dans une liste, comme d’incessants constats, quelque chose qui ne va pas, là, dans le système, parce que s’écrit ce qui ne sera plus retravaillé, loin, séparé, où nous ne voudrions plus voir défiler que du texte, à s’y perdre, parce que c’est devenu un objectif, perdre celui qui entre dans le labyrinthe, par une singularité, une phrase qui ne finirait plus, ou plutôt, un texte qui ne finirait plus, c’est cela, comme nous le lisons, l’infernal piège de la pensée, où elle serait, l’écriture, devenue la seule à régner, à tout moment, se rendant indisponible, si difficile à déchiffrer, ces heurts, ces coupures, poussant à vouloir crier STOP, comme autrefois, trop d’emballements, des heures, suspendue, pour ne produire qu’une autre voie, encore, un autre mystère, une autre étrangeté, des pans entiers de temps, consacrés, pour avancer un peu, un peu plus, un tout petit peu plus.
Tuesday, May 8, 2018
[NO WAY] - 42
Une notion qui aurait échappé.
Un caractère. Une histoire.
S’occupant d’une admirable perpétuation.
De traumatismes.
Portant la souffrance.
Quand se délient des significations.
Cet impossible de mourir, comme transféré.
Dans la mise en fiction d’une vie irréelle.
Sunday, May 6, 2018
Seyhmus Dagtekin
Si je devenais gros, je grossirais aussi les arbres
les immeubles, les voitures, les orbites
les gobelets, les œufs
Je grossirais les yeux des autres pour qu'ils puissent me voir gros
J'écraserais les os dans les eaux des reptiles
et les mettrais dans un œuf sans coquille que je goberais
pour devenir encore plus gros dans tes yeux
les déborder
nouer chaque jour le bout de ma phrase avec un nouveau lacet
près d'un arbre
au pied d'un chien trépassé
et tomber
dans un visage
sans face
Des meutes s'échapperont de tes phalanges jusqu'à la nausée
Friday, May 4, 2018
[NO WAY] - 6
Ainsi faudrait-il à nouveau détourner pour le plaisir que c’est de retrouver ces liens qui ont souffert de ne jamais prendre place dans cette continuité à laquelle s’est assimilé un objectif de réussite calculé à partir de notions délibérément esthétiques n’ayant plus qu’à réagir en fonction de ce qui fut depuis le début inconsciemment déterminé par une véritable sensation portée au rang de signification du réel.
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