Nous observions, nous participions, nous accompagnions, lieu composé de tant de facettes, lieu de contradiction, l’amour pur, tel qu’il se traduit dans le besoin d’un autre, sa résonance dans nos corps, ses soupirs, ses attentes, ses mains posées, le souvenir d’une forme d’origine, à laquelle nous avons cessé de vouloir attacher des mots, puisque l’émotion ne fait que se diffuser, ressemble, mais ne répète pas, chemins de rencontre, plénitude de l’instant, regards posés, en écriture, éprouvant la sensation d’un retour, avec cette certitude d’être venus là chercher à se démunir, écouter la nuit, le voyage aidant à assumer une décision, à la confirmer, pensant à tout ce qui, là-bas, a été laissé, pensant surtout au vide que tout cela crée, un espace d’invention continue, le seul capable de supplanter les énergies semblant nous gouverner, avec ces faiblesses de l’esprit qu’on tente de nous faire passer pour prodigieuses, sans oublier les scandales et les guerres, la météo du quotidien, car ce serait en partie ça qui déciderait notre degré d’inquiétude, notre seuil de soumission, à droite, à gauche, tout droit, admettant qu’un juste combat avait été mené, qu’il aurait des conséquences, mais en attendant, il fallait souffrir d’avoir laissé passer une autre forme d’autorité, tout aussi puissante, peut-être moins dévastatrice, pensions-nous, mais qu’il faudrait un jour combattre, ainsi, parce qu’il n’y a pas d’autres formes possibles, par le document signé, daté, adressé, par la littérature qui seule a la liberté absolue, au centre d’un pavé indéchiffrable, pour les quelques-uns qui auront le désir d’aller au bout, de dire que le système est bel et bien gangréné de petits chefaillons s’enrichissant, prenant un plaisir malsain à soumettre, à inventer de nouvelles lois, des lois de savoir-être, jusqu’à se multiplier dans les corps malades, atrophiés, devenus hystériques, les sentinelles, retour des collabos, ou graine de collabos qui s’est réimplantée, mystérieusement, à l’endroit-même où nous étions, par chance, déjà en culture dans tant d’autres domaines que nous savons que si un jour un système doit s’effondrer, ce sera celui-là, celui des délations et des sentinelles, parce que le travail est en cours, le chemin que nous empruntons leur est invisible, parce qu’ils se maintiennent dans une forteresse, n’existent pas sans les prisons qu’ils construisent, parce qu’il suffit qu’un jardin nous sépare pour qu’ils n’aient plus aucune influence sur ce que nous préparons.