Je n’ai pas mémoire de comment je sortis de la forêt. J’en puis donner idée, raconter ces années, les épisodes, les voyages, les colères, les querelles, les ruptures : tout cela, c’est l’anecdote. Ce qu’il faudrait patiemment retrouver en moi, c’est le cheminement profond, le dessin qui se reforme quand l’eau cesse d’être agitée où l’homme se mire. Moins peut-être qu’une décision d’écrire ainsi plutôt qu’à la façon d’hier, c’est à la faveur de cette tempête autour de moi, avec les branches qui s’écartent, retrouver en soi ce que tant d’années on avait évité de voir ; c’est comme après un incendie les semences oubliées dans la terre qui ne porte plus le poids de l’ombre, et des plantes naissent où les arbres ne sont plus. J’avais volontairement pendant toutes ces années de ma jeunesse refusé, au point de les croire mortes, ces pensées enfouies, voici qu’elles réapparaissent au jour.