Bilan succinct d’une journée passée avec les spectres, toujours fugaces, à apparaître sans s’y être attendu, à disparaître définitivement, l’hier aussi, à ne plus savoir comme il s’est perdu, à vouloir dire l’impossible, suffocant, les pupilles dilatées par une drogue, méconnue, au moment de se séparer, commençant à parler d’un événement qui se serait passé, et qui se serait relaté comme pour juste remplir la pauvreté d’une presque inexistence, globalement heurtée, en permanence, cherchant à se raccrocher à ce qui vient trop vite, à ce qui passe trop vite, préférant répéter plutôt que barrer, plutôt que remplacer, l’habitude, honteuse, la routine, banale, pour effleurer, ne pas laisser faire ce qui pourrait agir en profondeur, réellement, regardant tout comme un spectacle ancien, à se vivre anachronique, hors espace, imaginant comment pourraient se percevoir les éléments d’un inconnu sur l’autre, à distance, ayant préféré ne pas être, l’impensé, l’envers du décor, là où s’aperçoit la supercherie, l’arnaque, à tellement avoir voulu paraître, inventant une forme de distinction, pour n’être qu’un interlocuteur de la virtualité, quand la colère serait trop violente pour révéler, l’averti, sans détruire, sans faire souffrir, devant l’oubli, la mise en scène de l’imposture, fuir, fuir, ne plus vouloir que fuir, pour ne plus avoir qu’en vue ce besoin de punir.
Tuesday, January 30, 2018
Friday, January 26, 2018
[NO WAY] - 19
Nous venions de passer un peu de temps tous les deux à ne rien faire qu’être ensemble. Presqu'innocemment, il m’avait invité chez lui pour finir la soirée. Une histoire presqu’écrite à l’avance, ses parents absents, l’appartement juste pour lui pendant encore quelques jours, l’heure tardive où monter voulait déjà dire rester. Il m’offre un dernier verre. Nous nous installons sur le canapé et nous continuons nos conversations. Il me raconte quelques histoires banales et je pose quelques questions. À son tour, il pose des questions, et nous parlons un peu de sexe, d’aventures, je lui dis que toutes ces histoires sont lointaines, que dorénavant, je ne lie plus l’amour, la recherche de fidélité, au désir fou de partager un moment d’intimité avec un autre, qu’il ne soit qu’une seule fois, qu’il se répète maintes fois, sans lendemain, juste pour être ensemble, presqu’uniquement pour ça. Je lui dis que le sexe est devenu un plaisir en soi, comme on se baigne dans un océan en pleine nuit, avec ceux avec qui on a envie de partager ce moment-là, à ce moment-là. Il se demande si j’aurais le même discours si j’étais en couple, et je lui dis que je ne sais plus ce que c’est, être en couple, car c’est pour moi quelque chose qui s’invente à chaque nouvelle rencontre, sans code, sans méthode préécrite, et que c’est aussi comme ça que je considère une prochaine histoire, avec quelqu’un qui comprendrait ça, qui m’aiderait à mieux moduler ce que je pense, aime et ressens, sur ce qu’il pense, aime et ressent, lui, et que j’adapterais ma pensée, mon désir, sans aucun doute, surtout si je pense continuer, si je souhaite le rendre heureux, avec moi. Ce n’est pas qu’une question de fidélité ou d’infidélité, je lui dis que je ne veux pas savoir, c’est tout, ce qui se passe en dehors de nous de ce côté-là, de ce point de vue-là, estimant que si on ne fait aucun mal, on peut vivre une pulsion éphémère, une histoire parallèle. En parler, c’était déjà entrer dans une partie très avancée de notre intimité, d’autant que lui n’avait, à ce qu’il disait, jamais eu d’expérience de ce genre. Il disait qu’il était resté très classique, avec des femmes, avec fidélité, se disant être incapable de partager tout cela sans un début d’émotion qui ressemble à l’amour. Pendant ce temps-là, nous buvions du rhum de Cuba. Il m’avait autorisé à fumer, nous étions installés sur le canapé, l’un à côté de l’autre, tournés pour se voir, tournés pour se regarder. Je souriais et il me demandait pourquoi. Je lui disais sans me presser qu’il n’était pas utile de passer à l’acte pour avoir une expérience de ce genre et que ce que nous étions en train de vivre, à ce moment-là, relevait d’une forme d’échange intime qu’il n’aurait peut-être avec personne d’autre que moi, non seulement parce que c’était moi, mais parce que c’était nous, parce que c’était un choix que nous nous offrions l’un à l’autre, l’un pour l’autre, et que toute relation de proximité, quelle qu’elle soit, comportait selon moi une forme d’érotisme. Il me regardait, incrédule, se souvenant de tous les moments qu’il avait partagés avec des hommes soutenant qu’il ne se souvenait d’aucun moment érotique. Nous discourons sur le sujet. Tant qu’il n’y a pas conflit, il y a un besoin de partager quelque chose, même si c’est un verre, c’est une forme de plaisir d’être ensemble, surtout lorsque ce moment se fait uniquement à deux, pourquoi pas à plusieurs, c’est s’offrir un moment de plaisir. Il me demande si je n’ai réellement jamais eu de relations sexuelles avec des femmes et je lui dis qu’en effet, ce n’est jamais arrivé, ce qui ne m’empêchait pas de partager des moments érotiques. Je me moque en lui disant que moi aussi, finalement, je suis resté très classique. Il rit de se rendre compte que nous avons donc un point commun, c’est de n’avoir eu des relations qu’avec un seul et même genre de l’espèce humaine, les femmes pour lui, les hommes pour moi, riant sur le terme qu’il utilise globalisant l’humanité tout entière comme un paysage global où nous serions l’un et l’autre dans notre partie du monde sans aucune possibilité de se rencontrer. Je souris à nouveau, songeur. Je lui rappelle les moments que nous passions tous les deux dans la salle du rez-de-chaussée, et lui dis que je trouvais que c’étaient des moments sensuels, selon moi. Il me dit qu’il n’avait jamais perçu ces moments-là comme des moments sensuels, et je lui dis que ça n’avait pas d’importance, parce que ce qui comptait pour moi, c’était non pas ce qu’il me donnerait, mais ce que moi, je serais capable de lui donner, m’offrant un peu à lui en lui accordant un temps que j’aurais peut-être occupé autrement s’il n’avait pas été là. Je lui dis que c’était un bon souvenir pour moi. Il me demande si j’ai parfois ressenti un désir quelconque pour lui, et je lui avoue que oui, des désirs pour lui, j’en ai souvent, parce que j’aime l’attention qu’il semble témoigner aux autres, sa gentillesse et que je le trouve extrêmement séduisant. Il rougit un peu et me dit que maintenant que nous en parlons, il se rend compte qu’il s’en doutait un peu. Je lui demande s’il s’en doutait en se rappelant quelques signes que j’avais laissé paraître, comme des regards peut-être un peu trop attachés ou des paroles peut-être trop douces. Il me dit qu’en effet, il y avait peut-être pensé, sans vraiment le formuler comme ça.
Monday, January 22, 2018
[NO WAY] - 55
Il faudrait alors faire un point sur quelques stratégies du pouvoir. Celles ou ceux qui le détiennent aujourd’hui ou espèrent le détenir demain, exercent la forme la plus autoritaire qui puisse se trouver, celle de ne pas dire. Il suffit de voir s’exprimer les acteurs du jeu politique. Toutes celles et tous ceux qui le font, sur les réseaux sociaux, à la télévision, à la radio, toutes celles et tous ceux qui s’autorisent une prise de parole publique sont, en fait, dépourvus de pouvoir. Si « JE » ne formule rien qui pourrait être analysé, détourné, voire stigmatisé, « JE » prend le pouvoir.
Tuesday, January 16, 2018
[NO WAY] - 53
Plus envie. D’adapter. De proposer. Dans le sillage. Rien de propre. Rien de stable. Quand s’évoquent des temps futurs. Préférer que disparaisse ce besoin d’être inscrit quelque part, sur une liste. Quand viendraient de nouvelles actions. Regard à porter sur de nouvelles parties. Du corps. Qui se détend. En interne. Psychologie laissée en suspens.
Wednesday, January 10, 2018
[NO WAY] - 50
Les suivants se manifestent. Comme sur une liste d’attente. Impatients que ce soit leur tour. Projetant dans l’avenir la suite de l’intrigue. Préparation de l’ennui. Ou d’un autre travail. L’attente. La présence inutile. Le besoin de se montrer malgré l’inexistence de projet. Parce que le manque d’intelligence a tué dans l’œuf la raison d’avoir été sollicité. Par un autre. Dans un moment de fuite. Au moment où tout se serait accepté, jusqu’au congé sans solde, préférant ne plus participer à ce qui se faisait de plus monstrueux dans la vie, la destruction programmée. Pour faire de la place. Pour laisser la dictature s’installer. Et maintenant. Quand il faudrait parler. Cherchant un moyen de combler le vide. Ne plus penser qu’à l’immédiateté. Essayer. Pour contrer la destruction. Tous les coups sont permis. Alors, en voici un. Un début, qui ne ressemble à aucun autre début.
Sunday, January 7, 2018
Peter Handke
C’est ici. Nous y sommes. Nous avons le temps, maintenant. Aujourd’hui c’est notre jour et demain sera comme aujourd’hui. Pour l’instant vous aussi vous avez peur et à bon droit. Ici c’est l’hiver en été. L’impression de dominer toute la contrée du regard, c’est une illusion d’optique, la nature sauvage ici ne se laisse cadrer, ordonner, dompter nulle part par une fenêtre d’hôtel, par de l’eau courante, partout tout est muet, rien ne te regarde, nul être vivant pour t’adresser la parole, pas d’image dans le miroir qui t’apaisera, sous chaque pierre, il peut y avoir une vipère. Ici pas d’adversaire pour te laisser méditer tes coups au jeu, pas d’ennemi que tu pourrais regarder dans les yeux. Contrairement à ce qui se passe d’habitude, tu ne trouveras jamais le bon moment dans ce pays ni pour tirer ton couteau ni pour ouvrir un livre. Ni maintenant ou jamais dira-t-on, mais ou bien toujours et toujours ! ou jamais et jamais ! Ici dans ce pays jamais ton couteau ne devra couper du vivant, et toi tu pourras lire ici toujours et toujours, tes livres à toi aussi bien que l’écriture qui les accompagne et qui a pour nom NATURE. Je vous menace et je vous fais des promesses. Non seulement je vous promets que vous ne mourrez ici ni de faim ni de soif, que vous trouverez un toit et une couche, que vous reviendrez chez vous, mais je vous promets du bon temps. Nous verrons, ici, les choses sous une autre lumière et dans ce qui est sans vie, dans l’inextricable nous déchiffrerons des signes de respiration tant que nous laisserons entrer en nous l’air d’ici, et tant que nous nous mettrons en route le matin et que nous marcherons dans la lumière de ce pays, nous verrons dehors devant nous nos images intérieurs dans l’espace, dans la silhouette d’un mot, dans le rythme d’une mélodie, dans la forme qui précède une histoire. Vous êtes nouveaux ici, mais vous n’êtes pas étrangers. Chacun de vous est déjà venu ici : À l’époque où tu vagabondais sans but tu voulais revenir ici ; toi tu as parcouru les chemins d’ici sur les filigranes de tes billets de banque, toi, quand pendant la journée, un livre ne le faisait pas, tu t’es fait raconter le pays d’ici pendant ton sommeil. Désert qui depuis des millénaires ne sert que de lieu de passage ou de champ de bataille aux peuples, détruit sans cesse et dévasté de plus en plus, sans écho chez les poètes de passage, qualifié tout au plus d’insignifiant par l’un ou l’autre avec un fugitif regard de côté et par son successeur de mer de pierre — comme si Dieu s’était tenu là après la chute des hommes et qu’il avait étendu sa malédiction sur la terre entière. Sans chambre au trésor et sans grenier, dans ton vide toujours renaissant, tu as représenté pour des gens comme nous le pays tutélaire. Ma vie durant j’ai été un homme infidèle, à cause de ce maudit carnet, mon esprit tourmenteur : Fidèle, je ne le suis resté qu’à toi, pays passager désolé, vide, inépuisable.
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