Il m'arrive de penser qu'écrire est un moyen d'éviter tout mouvement brusque, à moins qu'il ne s'agisse carrément du contraire : écrire comme si on ne savait faire que des mouvements brusques, han !, mais sans que la chose se voie, chcht !, sans que la violence à l'œuvre se fasse, d'emblée, ressentir. De la bonne vieille épilepsie, mais au ralenti, dans l'illusion de la souplesse, pour ainsi dire à couvert. Immobile en feu, ai-je écrit ailleurs, faute de mieux. Je n'écris pourtant pas pour me ressourcer. Je n'écris pas pour me connaître. J'ai toujours, je crois, écrit pour me déprendre. Me déprendre de quoi ? L'écriture, telle que je la conçois, me permet justement de ne pas m'attarder sur la nature indélicate de ce dont je me déprends, et qui est sans doute moi-moins-l'écriture. Stop ! Un instant ! Telle que je la conçois ?! Allons, nous n'en sommes plus là. C'est souvent l'écriture qui me conçoit, me déçoit et m'assoit, me pense et me dirige, me bouscule et m'égare, m'entrave et m'élance. Je lui fais aussi confiance qu'à cet « ennemi déclaré », qu'appelait Genet de tous ses vœux.