Sunday, October 16, 2016

Camille de Toledo

Nous partons des villes, des campagnes, des forêts, des lacs, nous partons des océans, des glaciers, des montagnes, des plaines, des usines et des champs, nous partons de la colère, de cette colère qui en nous a grandi, nous partons d'une réalité qui refuse de se transformer.

Nous partons des récits de la fin qui prolifèrent, des récits d'experts qui n'offrent que l'apocalypse ou la conservation, nous partons de l'édifice de la peur, de ceux qui s'en emparent pour nous gouverner.

Nous partons de la corruption, de l'obscénité de la richesse, nous partons de l'arrogance de la puissance, des lois trop étroites pour les « nous » que nous sommes, nous partons des ordres maintenus, des frontières reconstruites.

Nous partons des discours de la consolation, des armes, de la passion des armes, de la violence, nous partons d'un temps d'éternelle présence, d'hypnose sans lendemain, nous partons de la nuit, de l'obscurité qui ne nous quitte plus.

Nous partons de la mort, de nos obsessions pour tout ce qui finit, nous partons des fictions, des histoires où nous nous sommes enfermés, nous partons des données qui nous sont assénées, des chiffres qui nous sont opposés.

Nous partons de la bêtise, de l'ignorance, nous partons de la soif et de la faim, nous partons des bouts du monde, du septième continent, nous partons des mers dépeuplées, des migrations empêchées, nous partons de la ruine, des spéculations sur la ruine.

Nous partons de la glace, de la glaciation des devenirs, nous partons de la gestion des risques, de la soif de métamorphose, nous partons des potentiels que nous sommes, de la terre qui nous est confisquée, du banc qui nous est interdit.

Nous partons de la guerre, des corps éprouvés par la guerre, nous partons de nos forces, de nos naissances, de nos esprits accaparés, des chants et des rengaines dont nous ne voulons plus, nous partons de la réalité, du combat pour la mettre à jour.

Nous partons des croyances et des fausses questions, nous partons d'un travestissement permanent de la vérité, nous partons de nos entêtements à vouloir devenir, nous partons de la colère et de nos impatiences, nous partons de l'esprit.

Nous partons de ce que peuvent transformer l'esprit et le corps, nous partons de l'humain et de la grâce animale, des espèces dont nous ne sommes qu'une forme fragile, nous partons d'un plus vaste parlement, d'un plus grand espoir.

Nous partons des vieilles catégories, des anciennes pensées, de nos aspirations à la métamorphose, nous partons de tous les recoins de la réalité où il y a une faim, une soif de métamorphose, nous partons du désir, de l'invention, de la résistance à la peur.

Nous partons...

Nous cherchons à précipiter ce départ, à nous départir.