Wednesday, March 30, 2016

Eric Faye

27 mars. Voici quelque temps que dans les parages du campement, une plante extraordinaire m'intrigue.

Le géographe, qui a de solides connaissances dans les sciences de la nature, m'explique qu'en fait c'est la fleur, uniquement la fleur qui est exceptionnelle, même si la plante est rarissime. Regardez-là bien, dit-il, et nous la considérons en silence. Cela fait des années qu'elle est en gestation. Combien ? Je l'ignore. Mais dès qu'elle sera parfaitement épanouie, elle emportera la plante dans la mort. Puis notre silence se prolonge. J'observe cette fleur en chantier. Le géographe ignore le nom de la plante et moi, je m'en moque. Elle me semble belle à toute heure, mais je la préfère le soir ; je dois lui vouer un respect profond pour rester là si longtemps, chaque fois. Souffrez que je m'attarde un peu sur elle. Imaginez-vous que notre Cervantès soit mort juste après avoir terminé le dernier chapitre de son Quichotte ? La plante, elle, ne sait pas ce qui l'attend lorsqu'elle en aura fini de son chef-d'œuvre. C'est là le plus beau ! Elle ne sait pas quand il sera achevé. J'ignore si la plante a conscience de sa propre existence et se sait mortelle. Si c'est le cas, elle doit pressentir qu'elle mourra pavillon haut, dépérira lentement, lentement.

Wednesday, March 23, 2016

Sur un chemin de premières fois

De l’éphémère.
De la fièvre dans les mollets.
Le besoin de danser. L’un contre l’autre.
Aucune main, aucun baiser.
Dans le cou, caressant le visage.
Cela ne se voit pas.
C’est doux.
Respirer, comme murmurer.
Son corps nu, sur un lit.

Il y avait d’abord eu ces regards enlacés, puis ces paroles, délicatement adoucies, chargeant chaque mot d’une tendresse inconnue. Assis, l’un à côté de l’autre, ils se forçaient à ne pas s’effleurer, et à alimenter la conversation pour ne laisser aucune place au silence, mais le rythme des phrases, malgré tout, ne faisait plus que ralentir, et commençait à ressembler à de profonds soupirs. De soulagement. De savourer qu’une frontière vers l’intime venait d’être franchie.
Il s’était levé pour rompre un peu la gêne, feignant d’aller observer quelque chose à la fenêtre. C’était un jardin de début de printemps, gelé et fleuri. Déjà, le temps qui s’écoulait n’était plus habituel. C’était nouveau. Une forme d’interdit.

Il l’avait entendu se lever, s’approcher, à seulement quelques pas.

C’était la première fois. Qu’il allait se retourner pour l’embrasser. La première fois. Qu’il allait sentir sa peau contre la sienne. Enfin, tous les deux, réunis, désormais, sur un chemin de premières fois.



Saturday, March 12, 2016

Moi souffrant

Quelques nuages
Soleil couchant
Un oiseau traversant le ciel
Quelques nuages
Horizon
Mer
Un bateau
Tellement de vent que le bateau vacille
Quelqu'un regardant la mer
Sable
Un enfant jouant sur le sable
Moi, pleurant.