Les chemins de France ne sont guère plus aisés à parcourir que les chemins d'Allemagne, car si le souvenir de Valmy s'efface, il faut encore porter Verdun, il faut aussi porter Vichy. Aurais-je couché, aurais-je collaboré ? Et si j'avais été Allemand, aurais-je filé en 33, tenté de résister de l'intérieur, été déporté comme rosa Winkel, ou au contraire aurais-je été enrôlé, conduit à tuer, voire à exécuter, me serais-je glissé dans l'opportunité nazie de faire quelque chose de ma pesanteur ? Après tout, ces basses œuvres ont bien été exécutées par des hommes, c'est-à-dire vous et moi, pas par des dieux ni par des animaux — comment s'exonérer, où vivre, pourquoi s'aimer ? On a toujours plus ou moins le sentiment d'être joué par l'Histoire, alors que c'est nous qui la jouons, n'est-ce pas ? Comment se saisir du lien invisible que tissent nos consentements entre nos volontés, nos désirs, nos pulsions, et nos haines et leur expression publique, collective, historique, et comment, le cas échéant, le trancher — l'attraper d'une main, de l'autre saisir l'épée, se pencher pour le maintenir au sol, s'assurer que quelque chose rompt et continuer sa route ?