Ta violence contre moi encore une fois. Tu viens me prendre, toi devant, mon bras passé sur ton épaule, tu tires des deux mains, je sens la force au poignet, je me dégage de la glu — ton dos tout courbé presque plié en deux. Je voudrais t'aider, me faire léger, ouvrir les ailes, mais pas de décision, je n'ose pas, je retiens de toutes mes forces mon rythme, tu ne pourras rien contre ça, même agile et fort. Maintenant la force qui te reste ne vient que des bras, ton pas commence à suivre le mien, à s'habituer — tu vas être pris. Je voudrais te crier de partir, de me laisser là, te prévenir de ton épuisement, t'éviter le piège, mais je ne le désire pas vraiment, je me réjouis là de ta défaite, je veux saisir le beau moment de ta chute. Elle vient, je sens, tu plies déjà un peu plus — les veines de ton cou sont gonflées par l'effort, je les vois dessiner les deux courbes jusqu'à l'oreille. Autour de mon poignet ta force se dilue — tu ne me tires plus vers l'avant, tu serres seulement, tu t'accroches même. Mon visage dans ton cou, au creux de l'épaule, j'entends se ralentir ton souffle, très profond, très bas, tu penches vers la rue — la tête s'approche du sol peu à peu — tu vas basculer sur l'angle du trottoir, tu vas rouler sur le bord de la rue. L'eau sale qui descend se brise sur ton corps en petits éclats. Un morceau de papier blanc et une peau d'orange s'arrêtent dans tes cheveux. Je me penche au-dessus de toi. Je fais des signes. J'appelle.