Thursday, January 23, 2020

Chroniques de l'invisible - 018

Le récit, comme je l’appelais au début, devenu fiction, lieu de passion et d’aventures pour l’Esprit. Chaque unité, accompagnée de musique, stimule la naissance de personnages. Ce n’est pas vie et mort, mais une apparition. Ils n’étaient pas là puis ils furent là, déjà entiers, déjà constitués. Je n’ai pas d’avis sur l’aspect structurel de tout cela, surtout depuis que je me laisse conduire par la sensibilité de ce grand complexe aux apparences diffuses. De ce point de vue, j’ai clairement fait céder une résistance. Ce qui parle en permanence est une option possible du vivant. Entrer dans ce réseau où quelques mots déposés alimentent ce qui a l’intérieur sera l’objectif d’une étape, en attendant que tout s’unisse à nouveau, et seulement, dans ce qui me définit et m’oriente. J’aime penser qu’une fois l’énergie acceptée comme telle, il se produit un effet que je dois laisser agir, voyant tout se constituer, pour une fois seulement, peut-être (mais au fond, cela se transforme peu à peu en suite d’une seule fois), cette étrange apparition que je trouve si poétique avec la manière qu’ont toujours les objets comme les mots de se disposer aussi dans l’espace rencontrant un regard, se nourrissant d’autres énergies, des liens qui se feront de fait car il ne peut en être autrement. Je me souviens donc, même si je pensais ne pas avoir le temps, même si je croyais que ce n’était pas le bon endroit, que des parties sensibles se sont rejointes. J’aimerais noter avec précision tous ces détails, dans l’écriture, à quel signe je vois que les personnes se laissent dépasser, comme abandonnant une partie d’elles-mêmes, par lassitude peut-être, même si cela pourrait être traduit par une fatigue, un manque de temps. Il n’y a pour ces sujets aucune fatigue qui ne s’imposerait, aucun temps qui manquerait si nous étions tous au clair avec nos propres désirs. Une sorte de « un peu », et rien d’autre. Là où je suis selon moi. Cela ne signifie pas « sans prétention », mais plutôt sans y associer d’enjeu supplémentaire, hors-sujet comme on pourrait être hors-œuvre, et sans mobiliser un espoir inutile (un effort inutile) pour changer de milieu, progresser au sens hiérarchique du terme, dans ce que nous voudrions être un autre réseau d’influence où, de toute façon, ne se trouvent que les espoirs et les efforts de tant d’autres qu’on passerait notre temps à observer les marques de souffrance sur les corps, exprimant malgré eux leur difficulté de renoncer, paradoxalement lié à leur abandon, car s’abandonner dans un milieu qui ne nous désire pas, c’est ne pas renoncer à y être. Mieux vaut parfois mieux vivre ailleurs que mal vivre dedans. J’ai fait l’expérience de voir à l’intérieur des périodes comment la voix était revenue à son unité. Des parties se sont heurtées à la nouveauté, mais l’aspect récréatif a vite informé l’auteur que je suis qu’en ne laissant aucune trace du chantier en cours de réalisation, il y avait une autre place pour autrui, une place de choix. Je m’étais dit « quelques mots, quelques allusions », ces fils tendus pour une ultime lecture qu’il ne sert à rien de garder. Ce furent des paragraphes entiers. Je me remets à peine de cette décision, la preuve étant que le sujet revient. Je suis toujours tenté d’en rester là, de peur de me retrouver dans une zone d’incompréhension. Le travail accompli, comme l’œuvre aboutie. Ce serait si rassurant que cela soit déjà fini. Il fallait mettre un peu le bordel dans ce sanctuaire trop vénéré, renverser aussi quelques certitudes, que tout se tiendrait par principe alors que ce qui avait réussi la fois précédente, c’était justement que la phase de « réparation » du texte avait été accompagnée. Cela aurait pu durer des années, continuer ainsi dans le confort, le luxe. De ce qui a eu lieu. De ce qui aura lieu. Un mi-chemin. Un entre-deux. Je comprends mieux ce qui m’informera. Cette fois-ci, j’accepte qu’il ne servira à rien d’autre ici (à moins d’en faire tout autre chose) que de lier mes domaines d’expression, autrement que le flux continu, autrement aussi pour mieux travailler l’élaboration temporelle, comme les mots, peut-être, s’enrichissent. J’ai peut-être des procédés répétitifs que je dois distraire. J’ai hâte d’y retourner, de viser le bon jour pour le faire, ou la bonne nuit. Et je pense à cette nouvelle situation, imaginant qu’un de mes titres interpelle, voire ma photo, juste le titre ; j’ai tellement confiance en eux, en leur autonomie, à la proximité avec l’image, le contraire de ce que l’on croyait, « l’auteur sans visage » ; Au contraire, donc. L’auteur et son visage. L’auteur a son visage. C’est dans l’autre sens qu’on pourra reconnaître.

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