Monday, February 10, 2020

Chroniques de l'invisible - 036

« Les ponts du commun », sur lesquels nous marchons tous, allant d’un territoire à l’autre, main dans la main. Et ce lien entre les générations, cette pensée de la descendance, la marque du temps, le passé, en quelque sorte, qui refait surface sous la forme d’un corps pour lequel je ne comprendrais pas l’attraction si je la laissais au domaine réservé du hasard. Ainsi, comme les astres et autres objets célestes, nous gravitons les uns autour des autres, éloignements, rapprochements, y compris la pensée participant bien naturellement à l’élaboration de ce complexe tangible. Il n’y a pas, personnellement, individuellement, le corps puis l’esprit ou le corps sans l’esprit. De même aucun corps social ne peut s’être constitué sans l’esprit collectif. C’est le cas dès que deux êtres se rencontrent déjà savamment constitués. Le choix d’un pas vers l’autre est composé à la fois d’une prédétermination, reflet de l’expérience et se réalise, me concernant, dans l’indétermination. Je ne saurais rien du devenir à part ce que j’y place pour chaque relation. Évoquer alors l’attraction plutôt que l’attirance, tel que je l’ai vécu récemment. Il y avait quelque chose de plus fort au sens plus important, une nécessité autant d’un dire que d’un laisser-faire, comme dans un escalier, ne rien se dire pour juste être ensemble. L’un sans l’autre à ce moment précis devenu impossible. Son attitude, son regard, tout me disait « Te voilà, je te cherchais ». C’était déjà l’après, une manière de vivre l’après, faire le point pour d’intimes convergences, les vérifier, en quelque sorte, cette sorte d’envergure attendre, commune, et cette drôle de manière d’en faire état. Où nous serions l’un pour l’autre dans chacun des détails de la vie, dans l’image (« vivre dans l’image ») et son élaboration totale dans les formes mystérieuses, connaissances d’un au-delà terrifiant où tout se met rapidement en mouvement. Rien n’autorise de figer. Mémoires immédiates et souvenirs déjà lointains se mêlent pour disposer au présent. Chaque jour comme un nouveau test. Ce qui m’amuse encore, c’est de voir à quel point il serait tout de suite nécessaire d’expliquer, dans un format où je ne pourrai pas mentir s’agissant des dates, à part quelques correspondances faites dans mon histoire individuelle. Et puis, il y a les faits, les retours. Les mots qui disent « ce qui ne s’effacera pas », les traces. Je refuse d’associer cela à l’amour, ce qui ne m’empêche pas de constater des présences plus fortes à certaines périodes, comme des focalisations. Je sais en quelque sorte ce qui se prépare, et ce retour est nécessaire pour qu’il n’ait pas d’empreinte dans l’œuvre où je ne désire plus de ces traces à part ce qu’elles auront généré de créatif. Nécessaire et permanente séparation. La même, le même effet. La création redevient centre du sujet. Pour cela, il fallait rencontrer. C’est fait. Époustouflante matière. Tableau de l’âme. La poésie n’est pas loin. C’est ce qu’on oublie souvent de dire, le dernier mot. Toutes ces fois répétées, interrompues. J’ai cru que je pourrais avoir une influence sur tout cela. C’est bien sûr le contraire. La poésie dévoile un autre type de présence, rassurante. Elle conduit aussi à des formes d’aboutissement de soi. C’est comme tout finit parfois, au fil des jours, et sans trop se demander pourquoi, constater que tout s’étiole de plus en plus tendrement.

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