Je ne sais si ce que je perçois est d’une meilleure qualité ou si c’est juste autrement, si tout cela s’améliore ou se dégrade. Cela ressemble autant à une perturbation qu’à une amélioration. Ne pas prendre en compte l’aspect factuel dans l’élaboration est si difficile. À devoir attendre que des sensations se dispersent. Une accumulation s’est produite. Je ne fais plus vraiment de distinction. Je n’en suis pas encore à ne privilégier qu’une seule voie. J’admets la difficulté de l’exercice que je m’impose. Être aux commandes d’un dispositif d’autodéfense, contre ce qui de ce que j’entends tente son aventure en moi. J’ai longtemps protégé les yeux, j’avais oublié ce détail, il n’y a pas que les yeux, et je me demande alors, ce serait des blessures, elles seraient donc présentes, l’étape suivante mise en lumière lorsque les mots se coordonnent. Et à nouveau, cette ponctuation, depuis combien de temps, faire de toute façon avec ces blessures, elles établissent des parcours obligés de la mémoire, à m’occuper d’états que je ne peux éviter, sinon, ce serait croire que je pourrais en finir brutalement, une décision à prendre et tout s’améliorerait, comme si la vie était ainsi faite, alors, bien sûr, un choix vient peu à peu tout placer sur des critères transformant l’ensemble, c’est une écoute de tous les instants, avec délicatesse, au sein de tout ce qui s’aère, puisqu’il n’y a que moi qui sais de quoi il s’agit vraiment, n’ayant plus cette frontière que j’avais jadis dressée entre quelque sensation du tout, du texte, et la projection devenue délirante de calculs ressemblant autant à des espoirs qu’à de vulgaires angoisses dues à un rang que je n’occuperai jamais. Je savais qu’il faudrait que je me préserve d’une sorte d’après coup. Nous allions devoir faire semblant. Triste réalité. Ne rien dire. Silence absolu sur la récurrence de l’événement. Je serai seul avec tout cela. Seul gouvernant ce choix. La terrible angoisse ne doit pas se voir. Je convoque ce qu’il y a de plus puissant. Je veux le voir apparaître dans les blocs. C’est la manière de l’entrelacer. L’œuvre littéraire toujours plus proche du tableau. C’est un poème ? Peut-être. On n’a jamais vu cela. On ne sait pas le nommer. On ne sait pas le présenter. Avec nos logiques de toujours voir dans le même sens, dans le même ordre. Il faudrait avoir tout lu. J’ai même jugé à ce sujet. Les plus proches. C’était devenu insupportable pour moi d’imaginer que cela puisse être différent que ce que j’avais conçu. Bientôt, la notice au début. On s’en fout. Fais ce que tu veux. Cela ne se ressent que si l’on s’accorde. Le récit toujours alors que l’extraordinaire, c’est la polyphonie, lorsque les mots finissent par se croiser, ce n’est pas calculé mais c’est ce qui se passe, à force de laisser faire, de ne rien lâcher dans chacune des voies, il n’y a qu’un moteur qui propulse, ce sont les options du possible, pourquoi pas, au fil du temps, ne jamais rien effacer, faire tout le contraire, tout dire, tout mettre, tous les sens en action, cela ressemble à une cure, j’aimerais déjà voir ce que cela ferait, lorsque je reprends tout, que moi aussi je laisse ma sensibilité agir, que je reconstitue ce qui a bien pu arriver dans le quotidien pour en être là, ce serait une nouvelle forme, peut-être destinée qu’à me plaire, tous les formats en travail, où s’échappent les détails, je n’ai rien à y comprendre directement, à analyser, à transmettre, tout s’étant coordonné, je l’ai vécu dans d’autres domaines, il suffisait à la fois d’être très attentif et de maintenir son propre cap, sa propre unité. Je n’invente rien puisque c’est une des formes de la vie, ce qui se produit depuis la nuit des temps, on désirait des sortes d’arrêt, propulser une option choisie déterminant des strates, on y serait ou on n’y serait pas, moins de monde, plus facile à gérer, à quantifier, jusqu’au fascination pour quelques-uns, voire un seul, il a tout, il prend tout, il décide tout, il conduit des masses, puis je renverse, n’agissant que sur ce qui est intelligible, aspiré par d’autres desseins, apercevant ce qui se déploie, comme mille langues étrangères que rien ne lie à part un même lieu, la coexistence élevée au rang premier avant de trier, avant d’exclure, avant de jeter. Je fais alors un rêve que tout se terminerait la même nuit. Au réveil, tout serait différent. Plus qu’à nettoyer. Quelques traces seulement. Pourtant, les fonctions que j’ai enclenchées ne vont pas si facilement se laisser faire. Une allusion ne suffira pas. De même qu’il ne suffira pas de glisser d’un univers à l’autre sans provoquer la fatigue. Je pourrais y aller franchement. Oui, j’en avais marre. Un soir, j’ai tout sacrifié. Il a suffi que je le décide. Tant pis. Je préférais l’avenir à partir de ces conséquences. Et l’avant, et tout ce qui était là, c’était d’une moindre valeur, à mon goût. Tant de choses ne voudront plus rien dire. Je focalise mon attention sur les sujets qui reviennent entre les phrases. Des heures entières à se demander pourquoi. Des espaces dans lesquels j’aimerais que l’écriture agisse. Ils ne sont pas si nombreux et cela ne semble pas insurmontable. Les questions qui si posent sont déjà orientées par une nouvelle manière que je vois naître. Je la voudrais immédiatement là mais ce ne sera pas si simple, parce que la structure s’intensifie. Il n’y a plus aucun ordre. Je n’ai pas tout encore. Patience. Il faudra une énergie que je n’ai pas encore. Puisque je refuse de me soumettre à ce qui pourrait devenir trop aisément logique. J’ai la trame. Je sais où tout va. L’énigme réside dans une sorte d’application. Je dirais, comme faire peur, intriguer, mettre en danger. Je dois m’offrir de tout recommencer, m’offrir que l’explication ne soit pas nécessaire. Que le chemin pour y aboutir ne soit que mien. D’une certaine manière, je dévoile trop. C’est impudique. « Trop de réel ». Je pourrais commencer comme ça, et tout en découlerait. Le nœud ne se trouve pas tout de suite. Il ne se comprend pas directement. Plus tard, on saura. En attendant, je dois savoir combien d’histoires je raconte. Ou plutôt, je dois savoir que j’en raconte plusieurs et surtout, être plus stricte. Ce qui n’a aucune chance de développement ou de résonnance doit absolument être supprimé. Je vois bien qu’il y a une différence entre ce qui se travaille en profondeur et ce qui arrive un jour, l’actualité. En soi, je ne déteste pas ces irruptions, mais elles doivent taire le fait réel, y compris les errements de l’écriture. Je ne dois pas craindre durant cette période de beaucoup élaguer, mais pas dans le sens que j’ai d’abord testé sur d’autres romans. Cela ne mène qu’à devenir encore un gestionnaire de pages éventrées et après, je m’ennuie, je ne sais plus comment donner de l’énergie. Tout devient plat. Insipide. Je dois, juste pour voir, parce que j’ai le courage de tout transformer, éviter toutes les fausses stratégies, les ficèles, n’être qu’un personnage, et tant pis si ce n’est pas la bonne voie. Le dire maintenant, à ce stade, c’est pressentir que le roman gagnera en férocité. Ce qui me soulagerait durant le premier geste n’a pas de raison d’être, pas de raison de persister dans l’œuvre. C’était un croquis. Oui, cela prend des mois à faire, des mois à transcrire, des mois à traduire. Si je concevais du tout cuit, je ne serais pas dans cette dynamique. J’aimerais que cet être dénaturé fasse peur, qu’il oblige, qu’il contraigne. J’aurai pour cela sans doute besoin de cesser la douce évocation. Je dois absolument prendre en compte la violence lorsqu’elle s’exprime. Je sais maintenant. L’alarme se déclenche. L’extraordinaire prend le dessus. Ce sont des personnages démesurément inadaptés, lâchés dans les villes, ils ne savent pas quoi faire des aptitudes qu’ils ont surdéveloppées, parce qu’elles ne serviraient à rien, soi-disant. Quelle méconnaissance du sujet ! Oui, des angoisses pourraient être à l’origine de drôles de manifestations dans le corps. Mais l’alerte. Qui l’entend ? Le moment où les puissantes lignes du vivant se mêlent, arbres, corbeaux, chats et nous, les ésotériques, qui n’avons plus besoin de pulser quand il suffit de propulser, de pousser, qu’il n’y a plus qu’à errer au sein même des armées pour n’avoir plus qu’à nous imposer. Depuis combien de temps ? Depuis toujours. Depuis le premier jour. Depuis qu’il fut nécessaire que je sache. Sans non plus être dans la lumière. Mieux vaut l’anonymat, la continuité, seul, presque seul, lorsque les foules s’adaptent peu à peu au format, qu’elles suivent le parcours. Bien sûr, j’en suis. Je ne suis pas différent. Je suis, à l’intérieur, le vivant, l’observant, diminuant, assez peu sur l’échelle de l’humanité, suffisamment pour être là, au lieu le plus subtile entre place public et voix invisibles, je préfère « non montrées », puisque je suis là, j’aurais pu m’annoncer, « coucou, la voilà », puis le selfie, message à 2k, mais ce qui me pénètre, cette émotion non de dire ce qui pourra se faire mais ce qui a été fait, alors que tous, nous travaillions, dans nos domaines, sur le terrain de nos imaginaires. Je connais ce qui se réalise au plus proche, quand il n’est plus manifestation de l’orgueil, ni mise en récit des terreurs du passé, quand à partir d’une image associée, sans aucune aide que l’écoute, se dispersent, s’étendent, les pulsations de l’invisible. Je ne saurais où tout cela conduit. Sinon, j’aurais depuis longtemps abandonné l’idée que je puisse, à partir de cela, améliorer ma perception d’un monde qui n’existe pas encore. J’aurais tout conditionné à une lecture simplifiée. Je préfère me déconstruire. Ce n’est pas détruire. C’est éviter d’être trop reconnaissable dans les fictions qui ne parlent que de moi, où je n’évite pas l’autre, je le rencontre, mais jamais en direct, alors il n’est plus ce qu’il était, il est un vrai autre, que je ne peux nommer tellement il s’inscrit en moi pour devenir une figure décalant le réel, sans exemple plus spécifique que ce qu’il provoque dans le corps du texte. Je peux ainsi varier à l’infini puisque la base de ces présences ne s’établit sur rien de suffisamment concret pour devenir une entité propre. C’est le sens, pour moi, de toutes les influences, elles, cette fois, si réelles, qu’elles me conduisent à agir, m’aident en écriture. Je ne serais pas là sans elles. Je n’en serais pas là. Les liens qui s’établissent sont presque monstrueux. L’attitude ou les mots du meilleur des amis associés au pire. Que j’ai connu. Que je redoute. Le jugement est terrifiant. Il s’applique. Je dois alors agir sur les après, les sorties de route, il n’y a plus rien, je suis effectivement seul, à savoir, que tout cela s’affronte, on pourrait dire : le combat intérieur, cela ressemble, dans le complexe de tous ces réseaux, je hais autant que je désire, je laisse passer de longs quarts d’heure entre les phrases, pour ce qui doit rester de tout cela, je m’étais dit : « Ce sera facile de tout coupler ». C’était sans compter avec les forces contraires, les courants, ce qui tout à coup vient de soi, une habitude peut-être, quelque chose de rassurant, dont je n’ai pas besoin, mais qui s’impose, comme l’à demain détesté, chronicité du misérable, ce qui n’est que fabriqué pour soi-disant structurer alors que ce qui m’anime est l’indéterminé, ce que l’on note nulle part pour mieux s’en souvenir encore, presque constitutif, l’essentiel protégé.
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