Toute cette vie passée dans la fumée du rêve. Ne se souvenir de rien, si invraisemblablement peu. Cette absence de mémoire est aussi une absence d’attention, un défaut de présence au monde. Je me dis, c’est par le corps qu’il faut chercher, ce qu’il a composté de nos gestes, les frissons de la peau, les lits du sommeil, les lampes de chevet, les armoires, la forme d’une clef ; ce que les yeux ont saisi de la mer insensée, de la laitance de la lune, de la couleur d’une chevelure ; ce que la bouche a gardé et des figues et des pêches et de l’amer et du vin et des baisers. Et des longanes mangés à Takmao, là où était l’hôpital psychiatrique, je ne sais vraiment pas ce que je faisais là-bas, mais les longanes sont encore présents, leur arrière-goût d’éther, leur noyau gros, noir et lisse dans la bouche, comme un globe oculaire. Tout ce qui reste du battement du corps amoureux, des spasmes orgasmiques, des chansons, oreilles et gorge. Le coffre du corps, il faudrait l’ouvrir.