Monday, July 25, 2016

L’impossibilité d’un tout face à l’extase d’un désir de soi et à la surpuissance d’une forme d’inexistence de l’existant

Après des années de « Demain / La mer / Soleil couchant / Rêve éclairant », il passait à une autre forme de fiction de lui-même, écrite au passé, à la fois pour satisfaire son plaisir d’écrire dans le style de ce qu’il avait adoré lire mais aussi parce qu’il lui semblait avoir compris qu’une des conclusions essentielles de tout l’enseignement qu’il avait reçu était de ne pas se laisser faire par les tendances que les historiens souhaitaient comme seules influentes dans la définition d’un patrimoine littéraire et de ne plus s’étonner si son mode d’expression semblait totalement décalé par rapport à tout ce qui était classé à ce moment-là sur les étagères du rayon « littérature contemporaine ». 

Il n’avait plus tellement envie de tout dire et son contraire dans une seule et même phrase, de retourner le mot, de brusquer la syntaxe, de projeter sur des murs, d'écrire sur des corps, de faire semblant de s’extasier lorsqu’une phrase avait atteint un tel degré d’incompréhension qu’elle devenait un marqueur social de dérégulation d’un système d’aventures censées à la fois nourrir l’être et son imagination. Il n’avait plus envie, non plus, de laisser croire les analystes qu’ils avaient raison lorsqu’ils avançaient qu’une affirmation portait en elle-même l’inversion du miroir déformant de la réalité. « Enter Ghost / Exit Ghost » lui semblait plus facile à comprendre que « l’impossibilité d’un tout face à l’extase d’un désir de soi et à la surpuissance d’une forme d’inexistence de l’existant, nous conduisant à penser que tout ce que le lecteur vient de lire n’est qu’une longue et pénible supercherie dont la vocation est, sans doute, de provoquer la crise ou, au minimum (mais y a-t-il un minimum évaluable lorsque l’espace reste infiniment ouvert à tous les possibles ?), le doute du sujet ».

Des doutes, il n’en avait plus et s’il allait se laisser conduire dans une série d’imperfections afin d'aboutir à la réalisation de son nouveau roman, alors, il continuerait à s’écrire dans le passé afin d’être sûr qu’en se levant le matin il aurait une longueur d’avance sur lui-même pour se propulser dans l’avenir, voyant en lisant ce qu’il avait longuement reformulé la veille, ce qu’il était déjà devenu, mort, imprimé, presque oublié, et trouver en ouvrant sa porte un véritable présent narratif purgé des angoisses d’un avenir incertain.